• Dans le monde de Thursday Next, la littérature fait quasiment office de religion. A tel point qu'une brigade spéciale a dû être créée pour s'occuper d'affaires aussi essentielles que traquer les plagiats, découvrir la paternité des pièces de Shakespeare ou arrêter les revendeurs de faux manuscrits. Mais quand on a un père capable de traverser le temps et un oncle à l'origine des plus folles inventions, on a parfois envie d'un peu plus d'aventure.Alors, lorsque Jane Eyre, l'héroïne du livre fétiche de Thursday, est kidnappée par Achéron Hadès, incarnation du mal en personne, la jeune détective décide de prendre les choses en main et de tout tenter pour sauver le roman de Charlotte Brontë d'une fin certaine...

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    Thursday est employée aux LittéraTec, niveau OS-27 qui traque les contrefaçons littéraires. Car les Anglais de cette réalité alternée vénèrent l'écrit, au point de jouer Richard III en continu ou de se baptiser en masse John Milton. On débat du Poète, comme s'il s'agissait du mauvais temps, tout en écoutant les shakesparleurs débiter des tirades, et les ménagères se demandent pourquoi Charlotte Brontë ne conclut pas son chef-d'oeuvre par un beau mariage.

    Ce roman est à lui seul un condensé de plusieurs genres littéraires : Science-fiction - policier - humour - mystère - fantasy - romance. Un critique littéraire n'a-t-il pas écrit que Fforde a dû mettre plein d'idées sur des petits papiers et que au lieu de les mettre dans un chapeau et d'en tirer un au hasard, il a garder tout le chapeau.  

    L'idée elle même est tout-à-fait délirante... et si l'on pouvait, grâce à une invention mal employée, entrer dans un livre, y rencontrer les personnages, modifier le cours de l'histoire, tuer l'un des personnage et changer littéralement l'intrigue ?

    Un roman surprenant, parsemé de chasses au vampire, de sauts dans le temps, de rencontres entre « réel » et « imaginaire ». Le tout écrit avec pas mal d’humour et sans verser dans l’exagération.

    Dans ce roman, la littérature est une religion. D'un côté nous avons les Shakespeariens et de l'autre les Baconniens qui ne jurent que par leur "Maître". Et vous dans quel camps êtes-vous ?  

    Un roman qui défie les genres et que tout amateur de bonne littérature anglaise classique devrait adorer.

     

     

     

     


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  •  La guerre des Salamandres commence dans une petite île du Pacifique, quand le capitaine hollandais Jan van Toch découvre une nouvelle espèce. Ils ressemblent à des lézards ou des salamandres. Ils ont une peau de grenouille, une longue queue, des mains qui ressemblent à celles des hommes, mais qui ne comptent que quatre doigts. Ils ont la taille de petits enfants. Quand ils marchent, leurs corps se dandinent comme des pingouins. Van Toch les surnomme Tapa-boys. Ou plus simplement, les salamandres. Mais le plus étonnant, c’est leur intelligence. Quand on leur parle, ils écoutent. Ils apprennent vite à parler. Il suffit de leur donner un journal et ils connaissent la langue. Jan van Toch leur offre des armes, des harpons et des couteaux pour leur permettre de se défendre contre les requins, en échange de perles que les amphibiens vont chercher en mer. Le capitaine s’enrichit, les salamandres s’arment. Tout le monde est content… Les salamandres sont toujours plus exploitées par l’homme. En échange, elles ne demandent que des armes qu’elles emportent au fond des mers, là où aucun humain ne pourra jamais savoir ce qu’elles fabriquent… Jusqu’au jour où elles feront valoir leur revendication…

    Ce livre écrit en 1936 est d’une modernité étonnante, il aurait pu être écrit de nos jour. C’est là le signe d’un grand écrivain.

    La Guerre des salamandres est un prétexte pour mettre en lumière les travers de l'Homme. Dans un registre n'étant pas sans évoquer celui du conte philosophique, Karel Capek se livre à un joyeux dynamitage de la civilisation humaine. En effet, bien peu de domaines échappent à sa plume ironique et un tantinet surannée — ce qui fait également son charme. Nationalisme mortifère des Etats, culte de la pureté et du surhomme nazi, tentation totalitaire du communisme, querelles stériles de la Science, goût pour le sensationnel de la presse, futilité de l'industrie cinématographie, opportunisme à court terme du capitalisme, dérives sectaires et artistiques, Capek brocarde tout ce petit monde avec une verve fort réjouissante. L’auteur fait aussi intervenir des célébrités de l’époque qui commentent l’actualité, ou s’amuse à raconter des histoires dans les notes de bas de page.

    Karel Capek a écrit le livre en pleine montée du nationalsocialisme. Le propos est politique. Les salamandres viennent déstabiliser l’ordre humain établi en créant un nouvel ordre qui rafle tout sur son passage… C’est aussi une critique du capitalisme. L’homme est prêt à tout pour le profit, pour gagner toujours plus d’argent. Et pour en gagner toujours plus, il est même capable de sacrifier des vies, et il est même prêt à sacrifier la sienne. Il mourra peut-être plus vite, mais il mourra riche.

    Même s'il achève son roman par une touche plus optimiste, pour ne pas dire moraliste, Karel Capek partage avec ces confrères un état d'esprit semblable, comme une douloureuse certitude : l'humanité s'achemine vers sa perte, ou du moins vers une conflagration mondiale apocalyptique. Une prémonition confirmée dans les faits par la Seconde Guerre mondiale... Le dernier chapitre intitulé « L’auteur discute avec lui-même » est de toute beauté. L’auteur et sa conscience discutent de la situation. Un chef-d’œuvre absolu.


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  • David Craig est fou de joie : à même pas 21 ans, il va être embauché à Eldetic pour travailler dans un monde du jeu vidéo qui le passionne.  

    Mais à l'aéroport de Charleston où il doit prendre un avion pour New York, un inconnu semble le connaître. Il s'appelle Richard et il était son ami imaginaire lorsqu'il était enfant. Qu'est-ce que Richard fait là ? Ce n'est pas possible qu'il existe réellement ! Et pourtant Richard va occuper de plus en plus de place dans la vie de David. Son emprise devient chaque jour plus forte tandis que David essaye de le contrôler et de le faire disparaître pour de bon... 

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    Xavier Mauméjean nous propose avec L'ami de toujours un texte assez déroutant qui se situerait dans la lignée du Horla de Maupassant. L’histoire de David est très troublante et dans celle-ci, le lecteur ne cesse de se poser des questions sur Richard et notamment : existe t-i vraiment ? Davis est-il schizophrène ? Que veut Richard ?   

    On est dans la peau de David et l'irruption de son double imaginaire sème un malaise qui ira crescendo jusqu'au dénouement final, agréablement surprenant, à défaut d'être totalement original. Le livre est fascinant, dérangeant et, bizarrement, hyper réaliste.

    Un livre captivant, sans pareil, riche en rebondissements et où l’on ne s’ennuie pas. Bref, du Xavier Mauméjean.


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    L'action se déroule en Vendée, au nord-ouest de la Roche-sur-Yon, entre deux petits villages ruraux nommés Challans et Sallertaines. C’est là que se trouve la métairie de la Fromentière, où habite la famille Lumineau. Veuf, Toussaint Lumineau y vit avec ses cinq enfants, trois garçons et deux filles. L’aîné, Mathurin, devait être celui qui reprendrait l’exploitation à la mort de son père, mais huit ans auparavant, il a été victime d’un grave accident de carriole qui l’a laissé paraplégique. Ne pouvant se déplacer qu’à l’aide de béquilles.

    Juste après lui vient François, un garçon rondouillard et nonchalant, bien encombré par l’héritage de la ferme qui pèse sur ses épaules suite à l’accident de Mathurin. Ensuite, il y a Éléonore, femme effacée et d’une beauté moyenne qui a pris la place laissée vacante par sa défunte mère, et se charge du ménage et de la cuisine. Le plus jeune des garçons, André, surnommé Driot, est en Algérie, au moment où commence cette histoire, et il y effectue son service militaire. Pour Toussaint, son fils cadet est aussi un bon élément pour reprendre la métairie. Enfin, il y a Marie-Rose, que tout le monde appelle Rousille, une petite beauté rousse de quinze ans avec un cœur d’or et une âme travailleuse. Toussaint veille particulièrement sur elle.

    C'est de François que viendra la première rupture familiale. Il revient un soir en annonçant s’être fait embaucher par les chemins de fer. C’est une industrie alors en plein développement, qui recrute à tours de bras.

    Pour Toussaint, le patriarche, c'est une trahison cruelle. Le seul espoir de reprise de la ferme, c'est le frère cadet, André, qui va bientôt rentrer d'Algérie. Le retour d’André, bruni et maturé par son service militaire en Algérie, se fait vite remarquer dans le village. De ses voyages sous l’uniforme français, et des rencontres qu’il y a effectuées, André a ramené des idées d’exploitations modernes, inspirées de ce qui se fait sous les colonies.

    André acquiert des connaissances théoriques cruciales qui ont toujours fait défaut à son père. Il réalise bientôt que la terre de la Fromentière est en bien mauvais état. Mais André entretient une correspondance avec un ancien camarade de caserne qui lui propose de créer de toutes pièces une exploitation agricole en Argentine, non loin de Buenos Aires, sur une terre arable vendue à un prix misérable et sur laquelle, selon lui, on peut se construire une fortune. André est trop jeune, trop plein d’aventure, pour ne pas se sentir irrésistiblement appelé par cette carrière. Ne voulant pas affronter son père, ni assister aux pleurs de Rousille, André s’enfuit une nuit, comme un voleur, sans même laisser de message.

    Pour Toussaint Lumineau, c’est un choc d’une violence inattendue...

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    Ce livre est l'illustration accomplie des difficultés que rencontre le monde paysan a l'aube du XXe siècle. Tout ce que le vieux Lumineau considérait comme immuable s'écroule. 

    Le roman paysan, évocation mélancolique et poétique du terroir, est un genre littéraire apparu au premier tiers du XIXe siècle, et initié en grande partie par George Sand dont les romans "La Mare au Diable", François Le Champi" et "La Petite Fadette" furent d'immense succès littéraires.

    René Bazin n'est paradoxalement ni paysan lui-même, ni fils de paysan. Il nous a longuement décrit, avec autant de poésie que d’exactitude, un certain nombre de villages couvrant les anciennes régions de l’Anjou et de la Vendée, ainsi que d’autres bourgs du centre de la France. Si ses personnages étaient imaginaires, René Bazin n’a jamais « inventé » un endroit qui n’existait pas. Le lieu où il se trouvait était généralement la base de son intrigue. Il lui est arrivé d’improviser un roman après avoir été invité à un mariage dans un petit village d’Auvergne, où il s’est contraint à séjourner pour pouvoir le décrire avec exactitude.  

    Un petit mélange de Jean Giono, de Maurice Genevoix et de Clavel qui ravira tous les amateurs du genre. 

     


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    Au cours d'une promenade, deux copistes, Bouvard et Pécuchet, se rencontrent par hasard. C'est le début d'une grande amitié entre ces deux vieux garçons. Bouvard reçoit alors un gros héritage, qu'il décide de partager avec son nouvel ami : cet argent va leur permettre d'acheter une maison à la campagne et de s'y installer. Ils tentent d'exploiter cette propriété, mais cela se révèle un échec total. Bouvard et Pécuchet veulent dès lors s'instruire afin de palier leurs lacunes. 

    Ils étudient la médecine, la géologie... puis s'essaient à l'histoire et à la littérature. Toutes ces tentatives échouent. Les deux hommes désirent àlors s'initier à la vie en société ou à l'amour, aux sciences occultes et à la philosophie. En vain !

    Conscients de leur incompétence, ils veulent se suicider, mais cela ne les mènera qu'à de complexe problème religieux...

    Leur dernière expérience s’exerce sur Victor et Victorine, deux enfants perdus, dont ils entreprennent l'éducation...

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    Ce livre est le dernier de Flaubert. Conçu à partir d'une nouvelle intitulée Les Deux greffiers, Bouvard et Pécuchet devait être suivit d'un deuxième tome. Celui-ci aurait regroupé l'ensemble des texte copiés par les deux héros. A ce florilège de textes reflétant la bêtise universelle serait venu s'ajouter le Dictionnaire des idées reçues, dont certains passages ont été écrits. 

    Le propos ici est de se moquer d'une certaine bourgeoisie pédante, mais aussi du véritable culte que le XIXe siècle rendait aux sciences. Il démontre l'inexactitude de certaines d'entre elles et la vanité de ceux qui disent les maîtriser. A la fin du livre, Flaubert, pourtant, s'attendrit et nous attendrit en considérant ces deux hommes un peu stupides mais que l'on se prend à aimer. Peu à peu, l'auteur se libère d'un pessimisme amer par une complicité amusée avec ses deux personnages. Car, en fin de compte, ils acquièrent un certain sens critique grâce auquel ils constatent la bêtise de leurs proches.

    L'importance que prenait son livre conduisit Flaubert à la mort. Il disait lui-même : "Bouvard et Pécuchet m'emplissent à tel point que je suis devenu eux. Leur bêtise est mienne et j'en crève." Le romancier voulait en faire une oeuvre vengeresse : "Je vais enfin exhaler mon ressentiment, vomir ma haine, expectorer mon fiel, éjaculer ma colère, déterger mon indignation..."

    Guy de Maupassant disait de cette oeuvre : "C'est une revue de toutes les sciences, telles qu'elles apparaissent à deux esprits assez lucides, médiocres et simples. C'est surtout une prodigieuse critique de tous les systèmes scientifiques opposés les uns aux autres, se détruisant les uns les autres par les contradictions des faits, les contradictions des lois reconnues, indiscutées. C'est l'histoire de la faiblesse de l'intelligence humaine... "

    Bref, un régal !

     

      

     

     


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