• Marivaux - Les Fausses confidences

    Dorante, un jeune homme qui n'a point de bien, est amoureux de la riche veuve Araminte. Conseillé par son valet Dubois, il se fait engager comme secrétaire par cette femme malgré l'opposition de la mère de celle-ci, Mme Argante. Dubois commence à intriguer auprès d'Araminte en lui recommandant de se débarrasser de Dorante, follement amoureux d'elle. Araminte va devoir lutter contre sa compassion pour Dorante qui, à son insu se transforme en amour, et ses intérêts qui l'invitent à suivre l'avis de sa mère. 

    Un portrait d'Araminte, mis exprès chez Dorante et prétendument découvert par Dubois, instruit tout le monde de l'amour de Dorante. Araminte se plaint à Dubois de son zèle mais est obligée de prendre une décision, car elle ne peut garder un secrétaire amoureux. Pressés par ces circonstances artificiellement créées, irritée des instances de sa mère, qui envisageait pour elle un mariage brillant, elle se décide à "faire la fortune" de Dorante en l'épousant malgré leur différence sociale.

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    Cette pièce très subtile offre deux intérêts majeurs : le premier ressortit au thème si souvent traité de la "surprise de l'amour". On suit, pas à pas, l'évolution de la jeune veuve Araminte, que Dubois oblige quasiment à tomber amoureuse. Le rôle de Dubois est loin d'être innocent, il use avec jubilation d son intuition psychologique et de son pouvoir de persuasion.

    Sous couvert d'aider Araminte de ses avis, il la pousse par ses "fausses confidences" dans ses derniers retranchements. Dorante, complice de Dubois, pourrait être confondu avec un simple coureur de dot si ses inquiétudes et l'aveu final qu'il fait à Araminte de leur supercherie ne le lavaient de ce soupçon. Le second intérêt de la pièce relève d'une étude des mœurs d'une société en mutation, étude non dénuée d'une certaine satire. 

    Nous sommes chez une femme riche qui envisage de se marier pour éviter un procès. Chacun songe à soi. Marion, la soubrette sacrifiée, doit renoncer avec le sourire à son beau rêve d'épouser Dorante pour ne pas perdre sa place. L'intérêt personnel régit tous les actes.     

    Marivaux a presque toujours écrit pour le théâtre-Italien. Il sut ainsi redonner à cette troupe qui lui plaisait un éclat qu'elle avait perdu au début du siècle. Pour le lecteur du XXe siècle, la troupe des "Italiens" reste indissolublement liée au nom de Marivaux, alors qu'aux yeux des amateurs du XVIIIe siècle, ce théâtre avait un prestige moindre que le Théâtre-Français. 

    Marivaux n'a donc jamais connu de succès brillant de son vivant. Ses contemporains lui reprochaient la monotonie de ses sujets, tel le marquis d'Argens qui remarquait : " Il y a un défaut dans ses pièces, c'est quelles pourraient être presque toutes intitulées La Surprise de l'Amour ", et la trop grande subtilité psychologique que Voltaire raillait en disant qu'il pesait " des œufs de mouche dans des balances de toiles d'araignée. "

    Marivaux a pourtant créé une forme originale d'analyse des rapports amoureux à leurs débuts. La simplicité classique s'offusquait de ce propos, " mélange plus bizarre de métaphysique subtile et de locution triviales, de sentiments alambiqués et de dictons populaires".  

    C'est cette subtilité extrême de la description des premiers émois amoureux qu'on a baptisée "marivaudage". Ce terme, dont la valeur péjorative est destinée à critiquer le maniérisme et l'affectation exagérée de cette analyse, définit le "créneau" étroit auquel Marivaux doit son renom actuel de moraliste et de fin psychologue.  


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