• Jean Racine - Phèdre

    Trézène, ville du Péloponnèse, Thésée, fils d'Egée et roi d'Athènes, a disparu. En son absence, Phèdre, son épouse, avoue à sa confidente Oenone la flamme coupable qu'elle nourrit pour Hippolyte, fils du roi et de sa première épouse, Antiope, reine des Amazones. Dans le même temps, on apprend qu'Hippolyte aime Aricie, princesse d'Athènes, qui l'aime en retour. 

    Le triangle tragique des passions est dessiné. Au moment où Phèdre se déclare auprès d'Hippolyte, entièrement dévoué à son père, on annonce le retour de Thésée, que l'on croyait mort. Phèdre, sur les conseils d'Oenone, tente dans un premier temps de faire porter la responsabilité de la situation à son beau-fils. Mais bientôt, accablée par la nouvelle du retour du roi, par l'opprobre dont elle vient de couvrir Hippolyte, elle se dispose à avouer la vérité de son amour incestueux à son époux.

    Au même moment même où elle s'apprête à le faire, elle apprend la passion qui unit Hippolyte et Aricie. Torturée par la jalousie, elle décide de ne rien révéler. Hippolyte choisit de s'enfuir avec Aricie. L'inquiétude du roi ne cesse de croitre. Il apprend successivement qu'Oenone s'est jetée dans les flots, puis la mort de son fils et le déchirement d'Aricie. Apparait alors Phèdre qui, dans un ultime discours, avoue sa faute avant de se donner la mort par poison. 

    **********

    Depuis le succès d'Andromaque en 1667, Racine n'a cessé de composer des pièces. Avec Phèdre, il atteint les sommets de son art. Il ne reprendra l'écriture dramatique que treize ans plus tard avec Esther. Phèdre se présente comme la tragédie de la prédestination, tel que Port-Royal et les jansénistes en enseignaient la doctrine. Le personnage de Phèdre, à la lumière de ces préceptes , s'offre dans sa passivité parce qu'il est l'objet d'une fatalité désignée par les dieux, et Vénus en particulier. La fille de Minos et de Pasiphaé est condamnée, à l'instar de sa lignée tout entière. 

    Si la pièce a suscité dès sa représentation de nombreuses controverses, elle a trouvé en Boileau un sérieux défenseur : " Et qui voyant un jour la douleur vertueuse
    De Phèdre, malgré soi, perfide, incestueuse,
    D'un si noble travail, justement étonné,
    Ne bénira d'abord le siècle fortuné
    Qui, rendu plus fameux par tes illustres veilles,
    Vit naître sous ta main ces pompeuses merveilles. 
    (Boileau, Epitre VII)

    Quelques siècles plus tard, l'écrivain André Gide évoque avec enthousiasme et émotion ses lectures de la pièce : " Phèdre, que je relis aussitôt après Iphigénie, reste incomparablement plus belle. Dans Phèdre, soudain, je sens Racine qui se commet lui-même, se livre et m'engage avec lui. Quels vers ! Quelles suites de vers ! Y eut-il jamais, dans aucune langue humaine, rien de plus beau ! "

    Extrait

    PHEDRE : Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue
    Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue : 
    Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler.
    Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
    Je reconnus Vénus, et ses fruits redoutables.
    D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables. 

     


    votre commentaire
  •  

    En 1947, les forces forces de l'Axe l'emportent face aux Alliés. L'ouest du monde appartient aux Japonais tandis que l'est est réservé aux Allemands. Ces derniers ne s'en contentent pas puisqu'ils envoient des vaisseaux sur Mars où les nouveaux arrivants se plaignent que les martiens ne possèdent pas de certificat permettant de prouver qu'ils appartiennent à la race aryenne, aux yeux des nazis l'existence juif apparaît alors comme un problème non résolu. Hitler s'est retiré depuis longtemps et son successeur Bormann meurt au cours du roman, plusieurs hommes sont en concurrence dont le Dr Goebbels et le général Heydrich.

    Du côté Japonais, la vie est plus stable et leurs ambitions moins grandes. L'intrigue se déroule sur la côte Pacifique des États-Unis. Une puissance qu'ils ont détruites en réduisant à néant l'intégralité de sa flotte lors de l'attaque Pearl Harbor. L'influence japonaise est palpable dans l'Amérique du nord post-seconde guerre mondiale. Certains hommes blancs vont jusqu'à pratiquer des UV pour foncer leur peau et les femmes blanches voient l'homme nippon comme le meilleur parti. Les japonais ont apportés avec eux le Yi-King, l'oracle, ancien livre chinois révélateur de conseil et de prophéties, et les populations blanches d'Amérique s'y rattachent également beaucoup.

    Julianna vit sur le côté des Etats-Unis non occupé par les Japonais en tant que professeur de judo. Suite à sa rencontre avec un homme du SS, ce dont elle ne doute pas, Julianna dévore un livre nommé "Le poids de la sauterelle", titre se référant à l'écclésiaste 12:7 de la bible interdite sur le territoire Japonais. Ce livre narre l'histoire comme le monde l'a connu : Avec la défaite de l'Allemagne. L'auteur qui n'est autre qu'Abendsen alias le Maître du Haut-Château - surnommé ainsi car la rumeur veut qu'il vive dans une véritable forteresse surélevé - insiste sur le rôle prépondérant de Franklin D. Roosevelt qui dans le roman a été assassiné en 1933, ce qui plonge les États-Unis dans une sévère crise économique.

    **********

    Comme toujours, au cœur du livre, Dick ne cesse de manipuler les idées de vrai et de faux, son thème fétiche, au travers de diverses facettes de son intrigue. Comme des poupées russes imbriquées les unes dans les autres, ce monde (au-delà de l’uchronie) ne cesse de révéler des doubles tiroirs, des vérités qui ne sont qu’apparences : juif se faisant passer pour un nazi, nazi se faisant passer pour un rital, arnaqueur se faisant arnaquer, livre dans le livre, usage de pseudonymes, impostures et escroqueries en tout genre, objet historique faussement authentique jusqu’au « haut château » d’Abendsen qui s’avère une banale maison de banlieue…

    Dick, profondément ésotériste et croyant à l’existence d’un secret caché derrière le visible, multiplie les faux-semblants, à tel point que le lecteur peut s’y perdre, ne sachant plus démêler le vrai du faux.

    La vérité est peut-être ce qui est le plus difficile à atteindre mais aussi à accepter, nous dit Dick. C'est aussi le fondement d'une dictature : maintenir les populations dans un état de mensonge permanent alimenté par la propagande. Emmanuel Carrère le souligne dans sa bio romancée " Je suis vivant et vous êtes morts " : Dick qui avait étudié beaucoup de livre relatifs au nazisme dont le livre d'Hannah Arendt sur le procès d'Eichmann à Jérusalem, avait été notamment frappé par l'idée que " le but d'un Etat totalitaire est de couper les gens du réel, de les faire vivre dans un monde fictif. Les états totalitaires ont donné naissance à cette chimère qu'est la création d'un univers parallèle. "


    votre commentaire
  • Un coureur acharné poursuit une belle femme, croisée dans la rue, jusque chez elle, où celle-ci s'est réfugiée. L'objet de ses assiduités s'étant révélé être la femme d'un bon ami, le chasseur de jupons, loin de s'en émouvoir et de se retirer après s'être excusé, décide de poursuivre son entreprise de séduction auprès de la belle, qui n'y prête guère attention. Pris par son démon, le séducteur poursuit de ses faveurs cette femme dont le mari s'avère être un homme faible, un personnage falot et sans grand intérêt.

    S'ensuit alors l'intervention de multiples personnages aux caractères variés, caricaturaux et représentatif de chaque catégorie sociale. Ce défilé présente, sans que le spectateur en soit toujours conscient, un fond social peu reluisant, dissimulé sous le gag et la farce, mais qui a l'avantage de sauvegarder la morale en provoquant, dans les derniers moments de la pièce, la chute des mauvais maris et autres compères de mauvaise vie.

    **********

    Joué pour la première fois au théâtre du Palais-Royal le 8 février 1896, Le Dindon fut un triomphe. S'étant passé de la collaboration de Maurice Desvallières avec qui, durant des années, il avait produit de nombreuses pièces, Feydeau a voulu montrer qu'il pouvait seul, créer des œuvres de qualité supérieure. Le Dindon en est la preuve magistrale, car cette pièce n'a rencontré aucune résistance et fort peu de critiques. Avec Le Dindon, Feydeau retrouve la qualité d'Un fil à la patte. Cela tient autant à la forme irrégulière, comme d'habitude en dehors des règles, qu'au fond profondément humain qui met en scène des personnages tragi-comiques, dont la vraisemblance est frappante et le caractère criant de vérité humaine.

    Feydeau ajoute au comique la satire sociale à travers la caricature d'un monde de bourgeois moyens, de nouveaux riches médiocres qui, s'il sont ennemis du scandale, ne sont pas contre une aventure de temps à autre. Maitre du vaudeville Feydeau aura été aussi et peut-être le caricaturiste le plus féroce de son temps, brossant une fresque sociale ou le rire côtoie l'absurde, ou la farce reflète la tragédie au quotidien.

    Cette fois Feydeau aborde de front le grand problème du mariage, qui va courir en filigrane tout au long de la pièce, et dans son œuvre entière. Réussir sa vie, ne serait-ce pas tout d'abord bien choisir son métier - et sa femme ? Or, ce choix n'est pas si simple qu'on le croit généralement. Feydeau ne prétend pas donner la solution. Au moins nous mettra-t-il en face de la triste réalité, avec la lucidité d'un moraliste sans complaisance. 

    Les personnages que Feydeau met en scène sont tous insatisfaits. Ceux même qui semblent comblés par la vie, comme Vatelin et Raymonde Chandebise, désirent quelques chose de plus. En d'autres terme, les gens heureux s'ennuient et compliquent leur vie à plaisir, au lieu d'apprécier leur bonheur, et les autres courent après des chimères.  

    Extrait 1

    - Oh ! Bien ! Vous savez ce que c'est !... un beau jour, on se rencontre chez le Maire... on ne sait comment, par la force des choses ... il vous fait des questions... on répond "oui", comme ça, parce qu'il y a du monde, puis quand tout le monde est parti, on s'aperçoit qu'on est marié. C'est pour la vie.

     

    Extrait 2

    De quel droit ?… Mais du droit que me donnent tous les embêtements qui pleuvent sur moi depuis hier !… Comment, par amour pour vous, je me suis fourré dans le plus abominable des pétrins. J’ai deux flagrants délits sur le dos !… flagrants délits où je ne suis pour rien !… Pincé par un mari que je ne connais pas… pour une femme que je ne connais pas ! Pincé par ma femme, pour cette même femme que je ne connais pas !… Un divorce chez moi en perspective !… Un autre divorce de la dame que je ne connais pas d’avec le monsieur que je ne connais pas où je vais être impliqué comme complice !… Brouillé avec Mme Pontagnac ! La femme que je ne connais pas, venue ce matin pour me dire en accent anglais que je lui dois "le réparation" ! une altercation, compliquée de voies de fait, avec le monsieur que je ne connais pas ! Enfin, les ennuis, les procès, le scandale, tout !… tout !… tout !… j’aurais tout encouru ! et tout cela pour vous jeter dans les bras d’un autre !… C’est lui qui récolterait et moi qui serais le dindon !… Ah ! non ! non ! Vous ne le voudriez pas !

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique