• Georges Feydeau - Le Dindon*

    Un coureur acharné poursuit une belle femme, croisée dans la rue, jusque chez elle, où celle-ci s'est réfugiée. L'objet de ses assiduités s'étant révélé être la femme d'un bon ami, le chasseur de jupons, loin de s'en émouvoir et de se retirer après s'être excusé, décide de poursuivre son entreprise de séduction auprès de la belle, qui n'y prête guère attention. Pris par son démon, le séducteur poursuit de ses faveurs cette femme dont le mari s'avère être un homme faible, un personnage falot et sans grand intérêt.

    S'ensuit alors l'intervention de multiples personnages aux caractères variés, caricaturaux et représentatif de chaque catégorie sociale. Ce défilé présente, sans que le spectateur en soit toujours conscient, un fond social peu reluisant, dissimulé sous le gag et la farce, mais qui a l'avantage de sauvegarder la morale en provoquant, dans les derniers moments de la pièce, la chute des mauvais maris et autres compères de mauvaise vie.

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    Joué pour la première fois au théâtre du Palais-Royal le 8 février 1896, Le Dindon fut un triomphe. S'étant passé de la collaboration de Maurice Desvallières avec qui, durant des années, il avait produit de nombreuses pièces, Feydeau a voulu montrer qu'il pouvait seul, créer des œuvres de qualité supérieure. Le Dindon en est la preuve magistrale, car cette pièce n'a rencontré aucune résistance et fort peu de critiques. Avec Le Dindon, Feydeau retrouve la qualité d'Un fil à la patte. Cela tient autant à la forme irrégulière, comme d'habitude en dehors des règles, qu'au fond profondément humain qui met en scène des personnages tragi-comiques, dont la vraisemblance est frappante et le caractère criant de vérité humaine.

    Feydeau ajoute au comique la satire sociale à travers la caricature d'un monde de bourgeois moyens, de nouveaux riches médiocres qui, s'il sont ennemis du scandale, ne sont pas contre une aventure de temps à autre. Maitre du vaudeville Feydeau aura été aussi et peut-être le caricaturiste le plus féroce de son temps, brossant une fresque sociale ou le rire côtoie l'absurde, ou la farce reflète la tragédie au quotidien.

    Cette fois Feydeau aborde de front le grand problème du mariage, qui va courir en filigrane tout au long de la pièce, et dans son œuvre entière. Réussir sa vie, ne serait-ce pas tout d'abord bien choisir son métier - et sa femme ? Or, ce choix n'est pas si simple qu'on le croit généralement. Feydeau ne prétend pas donner la solution. Au moins nous mettra-t-il en face de la triste réalité, avec la lucidité d'un moraliste sans complaisance. 

    Les personnages que Feydeau met en scène sont tous insatisfaits. Ceux même qui semblent comblés par la vie, comme Vatelin et Raymonde Chandebise, désirent quelques chose de plus. En d'autres terme, les gens heureux s'ennuient et compliquent leur vie à plaisir, au lieu d'apprécier leur bonheur, et les autres courent après des chimères.  

    Extrait 1

    - Oh ! Bien ! Vous savez ce que c'est !... un beau jour, on se rencontre chez le Maire... on ne sait comment, par la force des choses ... il vous fait des questions... on répond "oui", comme ça, parce qu'il y a du monde, puis quand tout le monde est parti, on s'aperçoit qu'on est marié. C'est pour la vie.

     

    Extrait 2

    De quel droit ?… Mais du droit que me donnent tous les embêtements qui pleuvent sur moi depuis hier !… Comment, par amour pour vous, je me suis fourré dans le plus abominable des pétrins. J’ai deux flagrants délits sur le dos !… flagrants délits où je ne suis pour rien !… Pincé par un mari que je ne connais pas… pour une femme que je ne connais pas ! Pincé par ma femme, pour cette même femme que je ne connais pas !… Un divorce chez moi en perspective !… Un autre divorce de la dame que je ne connais pas d’avec le monsieur que je ne connais pas où je vais être impliqué comme complice !… Brouillé avec Mme Pontagnac ! La femme que je ne connais pas, venue ce matin pour me dire en accent anglais que je lui dois "le réparation" ! une altercation, compliquée de voies de fait, avec le monsieur que je ne connais pas ! Enfin, les ennuis, les procès, le scandale, tout !… tout !… tout !… j’aurais tout encouru ! et tout cela pour vous jeter dans les bras d’un autre !… C’est lui qui récolterait et moi qui serais le dindon !… Ah ! non ! non ! Vous ne le voudriez pas !

     

     


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