• Nous sommes en 1640, à l'hôtel de Bourgogne. Une voix sort de la foule pour interdire au comédien Monfleury de jouer sous peine d'être "fessé aux joues". Le gêneur se présente : Cyrano de Bergerac, superbe cavalier au visage enlaidi par un grand nez. Il en impose à tous, sauf à un vicomte qui vient se moquer de sa figure. Cyrano lui vante les vertus de son nez puis le blesse au cour d'un duel. Il est courageux, bagarreur mais, sous le panache de son verbe, se cache l'amour secret et impossible qu'il porte à sa cousine Roxane. Une duègne vient lui donner rendez-vous de la part de la jeune femme dans une rôtisserie. Lorsqu'il rencontre sa cousine, celle-ci lui avoue son amour pour... Christian de Neuvilette, la capitaine des cadets de Gascogne... 

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    L'immense succès de Cyrano, dès sa création, en 1897, a rangé cette pièce dans le genre populaire, délaissé par la critique littéraire. Car il faut en convenir, Cyrano est au drame romantique ce que l'opérette est à l'opéra. Rostand use de procédés parfois grossiers. La mise en scène fait appel à une machinerie, à des jeux, aussi important que spectaculaires. On se bat sur scène, le siège d'Arras est représenté et l'assaut est joué. 

    Rostand prend à la lettre les recommandations du théâtre romantique hugolien : multitude des personnage, précision des décors, mouvements, multiplication des lieux et des époques. 

    Écrite en 1830, une telle pièce eut été considérée comme un chef-d'oeuvre. En 1897, elle intervient trop tard dans l'histoire de la littérature, de sorte qu'elle est désuète d'avance. Elle est née à une époque où les considérations esthétiques faisaient évoluer l'art dramatique vers la simplicité et une certaine forme de dépouillement.

    Il est pourtant indéniable que la pièce a un impact sur le public. Elle le doit au personnage même de Cyrano, héroïque, robuste, plein de bon sens, qui est la synthèse de caractères aussi divers que d'Artagnan, Figaro, Sganarelle. Quoi de plus français qu'une "grande gueule au coeur tendre" ? Le public s'y est reconnu. C'est sans doute là l'essentiel. 


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  • Jules Haudoin, cultivateur et maquignon pas très honnête du village de Claquebue, voit un jour naître das son écurie... une jument verte. Nous sommes dans les premières années du Second Empire, et l'Empereur lui-même se déplace pour admirer la jument.

    Tout naturellement, la bête vient un jour à mourir. Un magnifique portrait, réalisé par le célèbre Murdoire, immortalise la prodigieuse créature. En effet, quelques gouttes de liquide séminal de maître Murdoire mêlées aux pigments de la peinture ont donné à la jument verte une vie éternelle. Silencieuse, celle-ci règnera dans la maison Haudoin quatre générations durant. Et elle observera, la jument verte... Le grand-père Haudoin, son fils Jules et sa femme, les enfants de Jules, Alphonse, Ferdinand le vétérinaire et Honoré, et les enfants de ces derniers. Ni les querelles, ni les manies, ni la haine des Haudoin pour les Maloret de Claquebue n'ont de secret pour la jument curieuse. Mais son terrain de prédilection, ce sont les mœurs érotiques des Haudoin, et même de Claquebue tout entier...

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    Les "propos" hardis et gourmands de la jument concupiscente, alternant avec la verve impertinente du récit au style indirect, composent une vaste fresque de la vie de Claquebue. Les chamailleries entre cléricaux, anticléricaux, républicain et bonapartistes font pendant à l'évocation émue des quatorze façons de faire l'amour à Claquebue. Tandis que le curé s'efforce d'obtenir au confessionnal le repentir de ses paroissiens les plus dévergondés, la jument lyrique s'extasie sur "les manifestations érotiques" des petits-enfants Haudoin. Alors que la haine séculaire Haudoin-Maloret prend un tour aigu, la jument lubrique ironise sur les pudeurs nocturnes du pauvre Ferdinand. Avev son humour et ses amours, son sens du merveilleux et du réalisme paysan, son indulgence et sa causticité, La Jument verte est un roman sain qui nourrit la bonne humeur et la joie de vivre.         

    " Dans La Jument verte, j'ai d’abord voulu rire à des souvenirs anciens dont plusieurs datent d'avant ma naissance, et puis faire le compte de mes sentiment d'amitié et de méfiance à l'égard de ces paysans que je crois ne pas mal connaitre, puisque j'ai vécu de leur vie, très longtemps avant qu'on pût me convaincre d'être un homme de lettres " (Marcel Aymé)  

     

     


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  • Alphonse Daudet - Lettres de mon moulin

    Les lettres de mon moulin sont une des œuvres les plus connues de Daudet. Et pourtant, elle furent publiées dans l'Evénement sous forme de feuilleton entre 1866 et 1869, elles n'obtinrent qu'un succès mitigé ; le public parisien ne comprenait pas l'exotisme de cette Provence si lointaine. En fait, ce furent les grands romans, quelque peu oubliés aujourd'hui, tels que Jack et le Nabab, qui consacrèrent Daudet ; et leur succès rejaillit sur les œuvres antérieures.

    Avec les Lettres de mon moulin, Alphonse Daudet révèle des qualités exceptionnelles de conteur ; d'ailleurs, on ne  peut s'empêcher d'imaginer ces textes lus à haute voix, et on ne peut s'emêcher non plus de les imaginer avec l'accent du midi si on a eu l'occasion d'entendre un quelconque Tartarin les "chanter". L'auteur est censé écrire ses lettres depuis un moulin, afin de mieux donner corps à ses rêveries, dans un cadre provençal typique. Car les paysages de la Provence sont omniprésents et servent de scène à des histoires à la fois drôles et fantastiques qui se racontent comme des paraboles.

      Les plus connues des lettres de mon moulin sont, sans nul doute, La Chèvre de monsieur Seguin, Le Secret de maître Cornille, La Mule du pape, Le Curé de Cucugnan, l'Elixir du révérend père Gaucher et le Sous-Préfet aux champs.
    Chaque récit décrit un aspect du caractère provençal et comporte une morale. Ainsi, les malheurs de la chèvre de M. Seguin, dévorée par le loup, illustrent les dangers de la liberté ; et les agissement de maître Cornille, le meunier qui fait semblant de moudre du grain, sont ceux d'un homme fier, qui a droit à la considération. Quant au révérend père Gaucher, il redonne prospérité au couvant avec son élixir, mais il sombre joyeusement dans l'alcoolisme ; et comme la communauté n peut se passer ni de l'un ni de l'autre, on récite une oraison pendant que l'alcool se fabrique : "C'est l'absolution pendant le péché."

    A lire et à relire une de temps en temps ou dans leur intégralité, juste pour le plaisir d'entendre chanter la Provence.

     


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