• S'inspirant de l'Odyssée, Fénelon en développe le quatrième livre : accompagné du sage Mentor (qui n'est autre que Minerve), Télémaque est à la recherche de son père, Ulysse. La tempête le jette sur l'île de Calypso ; il fait à la déesse, laissée inconsolable par le départ d'Ulysse, le récit de ses aventures. Nous le voyons en Sicile, où il échappe à la mort, en Egypte, où il étudie la sage administration de Sésostris, à Tyr, où il admire la prospérité d'un peuple de commerçants puis échappe miraculeusement à la tyrannie du cruel Pygmalion. Victime de Vénus, il est pris d'une passion violente pour la nymphe Eucharis. Pour l'arracher à cette dangereuse ardeur, Mentor le précipite à la mer, et tous deux gagnent à la nage un vaisseau phénicien.

    Télémaque entend vanter le bonheurs des habitants de la Bétique, qui jouissent de la simple nature. Neptune les pousse alors dans le port de Salente : ils sont accueillis par le despote Idoménée. Autour de Salente, Télémaque fait son apprentissage militaire : il se distingue par ses exploits, mais il apprend à se montrer chevaleresque et à offrir des conditions de paix équitables. Au terme de ses voyages, il regagne l'île d'Ithaque, où il retrouve son père et épouse Antiope, la fille d'Idoménée.

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    Précurseur de Montesquieu, Fénelon combat l'absolutisme : le roi doit se soumettre aux lois et associer la nation tout entière à son autorité. Précurseur de Voltaire, il enseigne l'amour de la paix. Il insiste en chrétien sur la fraternité des hommes ; il parle souvent de l'injustice et des méfaits de la guerre : " La guerre épuise un Etat et le met toujours en danger de périr, lors même qu'on remporte les plus grandes victoires. " Il conseille même un arbitrage international pour éviter la guerre. Pour rendre les peuples heureux, sa grande idée est le développement de l'agriculture et l'abandon du luxe corrupteur, en faveur d'une vie saine et de mœurs rustiques, préfigurant en cela Jean-Jacques Rousseau.

    Auprès du groupe de Bossuet, Fénelon avait appris à condamner l'esprit de conquête, le luxe, la misère où étaient tenus les paysans et artisans, à rêver d'une cité où la vie fût simple et les intérêts privés subordonnés à l’intérêt général. Défenseur d'une "société du genre humain", d'un droit naturel opposés aux caprices despotiques, et donnant pour fin à l'Etat l'unité générale et le bonheur des individus, Fénelon ne pouvait qu'être salué par les Lumière comme un précurseur.

    Ce roman pédagogique prend place dans la grande lignée humaniste des œuvres consacrées, de Ronsard à Bossuet, au problème majeur d'une civilisation monarchique, qui est celui de l'éducation du prince. Humaniste, ce roman l'est par la fiction qui sert à traduire concrètement la pensée pédagogique de Fénelon par sa dimension utopique, par sa proposition d'une cité idéale, à la manière de Platon ou Thomas More.     


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    Alfred de Musset - On ne badine pas avec l'amour

    Ses études terminées, Perdican regagne le château paternel accompagné de son gouverneur, Maître Blazius. Au même moment arrive Camille, sa cousine, qui sort du couvent, avec Dame Pluche. Le Baron, père de Perdican, avait combiné cette arrivée simultanée. Camille refuse d'embrasser son cousin, ce qui stimule l'amour qu'il lui porte déjà. Déçu par la résistance de sa cousine, il fait la cour à Rosetta, la sœur de lait de Camille. Camille, quand à elle se flatte de laisser le jeune fiancé désespéré. Perdican l'intercepte et, blessé par tant de méchanceté, donne rendez-vous à sa cousine près d'une fontaine, où il fait une cour assidue à Rosette.

    Jalouse, Camille convoque Rosette dans sa chambre et lui fait assister, cachée derrière une tapisserie, à un entretien avec son cousin afin de lui prouver qu'il ne l'épousera pas. De fait, Perdican et Camille finissent par se déclarer leur amour...

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    On ne badine pas avec l'amour alternent des passages amusants à l'encontre des personnages secondaires grotesques et des passages pathétiques. Cette diversité des tons confère à la pièce son comique et sa sincérité.

    Les premiers rôles acquièrent au fur et à mesure de la pièce leur personnalité et leur unité : Camille devient coquette et cruelle ; Perdican, cynique et idéaliste, quitte son habit de séducteur pou parler de l'amour avec authenticité. Le chœur, expression de l'âme collective, se charge de rendre compte de l'évolution des personnages et de s'interroger avec le lecteur.

    A travers le discours de ses personnages, Musset attaque le clergé. Ainsi la variété dans la pièce, variété des sujets et des tons, engage l'art de Musset dans une voie originale, nouvelle pour les romantiques, celle du drame sincère qui s'épure de tout lyrisme.

    A l'origine, le proverbe était un divertissement, une improvisation pour illustrer un dicton. Au XIXe siècle, il devient le sous-titre d'une pièce où les personnages sont en général poussé jusqu’à la caricature. Musset a retenu quelques caractères du proverbe traditionnel ainsi que l'élégance du ton pour traiter de sujets moraux ou philosophiques. 

    Dans la pièce, il y a quinze décors différents. Tout ces endroits proches les uns des autres sont parties intégrantes d'un même lieu : le château où Camille et Perdican ont joué autrefois.

    La présence des personnages fantoches s'exprime par le désir de Musset de ménager des pauses dans l'atmosphère dramatique : le spectateur rit, se détend, renouvelle son intérêt pour l'action principale qui, pendant les scènes comiques n'a cessé de progresser.

        Après l'aventure de Venise, où lui et Sand avaient fait fi des convenances et de la société, il se rend compte que l'ennemi de l'amour n'est pas en dehors mais en lui-même : incompréhension née de l’orgueil et de l'égoïsme, mensonge et coquetterie, trahison.

     


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  • Des officiers russes jouent aux cartes des nuits entières, tandis que leur compagnons Hermann les regarde passionnément sans jamais participer. L'un d'eux évoque la mystérieuse combinaison gagnante qui permit à sa grand-mère, des années auparavant, de régler une dette d'honneur considérable. Hermann projette d'arracher son secret à la vieille comtesse et, à seule fin de la rencontrer, fait une cour empressée à sa gouvernante Lizavéta Ivanovna ; celle-ci donne un rendez-vous clandestin à Hermann, qui s'introduit nuitamment dans le palais. 

    Il implore l'aristocrate de lui indiquer les trois cartes magiques et, devant son mutisme, la menace de son revolver : la comtesse meurt subitement... La nuit suivant l'enterrement, la défunte, vêtue de blanc, apparaît à Hermann et lui donne le tiercé, trois, sept, as, à la condition formelle qu'il ne jouera qu'une fois chacune des cartes et qu'il épousera Lizavéta. Grisé, Hermann mise une grosse somme, gagne par deux fois chacune des cartes... A la troisième partie, au lieu de l'as, c'est la dame de pique qui sort ; elle a le visage de la comtesse ! Hermann perd tout, devient fou et on l'interne.

    Cette brève nouvelle inspirée, dit-on, par les aventures de la princesse Golitsyne, dite "princesse Moustache", obtint un gros succès immédiat tant auprès du public que de la critique ; elle suscita notamment l'admiration de Dostoïevski, qui voyait dans la peinture du caractère d'Hermann un modèle. 

    Ce conte fantastique exerce une véritable fascination sur le lecteur. Très habilement, l'auteur laisse planer le doute ; en effet, on peut trouver une explication rationnelle aux événements étranges qui marquent les étapes de la tragédie. Hermann a-t-il rêvé l'apparition nocturne de la comtesse ? Dans sa hâte, s'est-il trompé en croyant choisir l'as ? N'est-ce pas plutôt la vengeance posthume de la défunte frappant un coupable sans remords ou un châtiment divin qui conduit le jeune homme à la chambre 17 de l'asile d'aliénés ? Le dénouement, inattendu, tombe comme un couperet.

     " La Dame de pique est sans doute l'oeuvre de Pouchkine que le public français connait le mieux. Mérimée en a donné une traduction qui reste, malgré quelques erreurs de détails, un exemple inimitable. Son style rapide, incisif, nerveux comme un coup de cravache sur une botte élégante, rend à merveille la prose vive de l'original. 

    Le secret de La Dame de pique nous intrigue d'autant plus que l'auteur, semble-t-il, cherche moins à nous intriguer. On dirait que le mystère se développe non pas grâce au talent de l'auteur, mais malgré le talent de l'auteur. On dirait que c'est à son insu, à notre insu, que nous nous laissons envoûter par lui. On dirait que la partie est perdue par l'écrivain mais gagnée, inexplicablement, par son livre. Or, le mérite suprême de Pouchkine est bien d'avoir renoncé à briller au détriment de son oeuvre. Encore une fois, en ne livrant au lecteur que l'essentiel de sa pensée, il a fait preuve d'une magnifique maîtrise. Sa prose si nue, si aisée, demeure un modèle du genre. Les phrases courtes, dépouillées d’épithètes, sont ramassées autour d'un verbe rigoureux. Le récit se hâte de verbe en verbe, sec, précis, haletant. Pas le moindre embonpoint oratoire. Rien que des nerfs et du muscle. 

      


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