• La Dame de pique - Alexandre Pouchkine*

    Des officiers russes jouent aux cartes des nuits entières, tandis que leur compagnons Hermann les regarde passionnément sans jamais participer. L'un d'eux évoque la mystérieuse combinaison gagnante qui permit à sa grand-mère, des années auparavant, de régler une dette d'honneur considérable. Hermann projette d'arracher son secret à la vieille comtesse et, à seule fin de la rencontrer, fait une cour empressée à sa gouvernante Lizavéta Ivanovna ; celle-ci donne un rendez-vous clandestin à Hermann, qui s'introduit nuitamment dans le palais. 

    Il implore l'aristocrate de lui indiquer les trois cartes magiques et, devant son mutisme, la menace de son revolver : la comtesse meurt subitement... La nuit suivant l'enterrement, la défunte, vêtue de blanc, apparaît à Hermann et lui donne le tiercé, trois, sept, as, à la condition formelle qu'il ne jouera qu'une fois chacune des cartes et qu'il épousera Lizavéta. Grisé, Hermann mise une grosse somme, gagne par deux fois chacune des cartes... A la troisième partie, au lieu de l'as, c'est la dame de pique qui sort ; elle a le visage de la comtesse ! Hermann perd tout, devient fou et on l'interne.

    Cette brève nouvelle inspirée, dit-on, par les aventures de la princesse Golitsyne, dite "princesse Moustache", obtint un gros succès immédiat tant auprès du public que de la critique ; elle suscita notamment l'admiration de Dostoïevski, qui voyait dans la peinture du caractère d'Hermann un modèle. 

    Ce conte fantastique exerce une véritable fascination sur le lecteur. Très habilement, l'auteur laisse planer le doute ; en effet, on peut trouver une explication rationnelle aux événements étranges qui marquent les étapes de la tragédie. Hermann a-t-il rêvé l'apparition nocturne de la comtesse ? Dans sa hâte, s'est-il trompé en croyant choisir l'as ? N'est-ce pas plutôt la vengeance posthume de la défunte frappant un coupable sans remords ou un châtiment divin qui conduit le jeune homme à la chambre 17 de l'asile d'aliénés ? Le dénouement, inattendu, tombe comme un couperet.

     " La Dame de pique est sans doute l'oeuvre de Pouchkine que le public français connait le mieux. Mérimée en a donné une traduction qui reste, malgré quelques erreurs de détails, un exemple inimitable. Son style rapide, incisif, nerveux comme un coup de cravache sur une botte élégante, rend à merveille la prose vive de l'original. 

    Le secret de La Dame de pique nous intrigue d'autant plus que l'auteur, semble-t-il, cherche moins à nous intriguer. On dirait que le mystère se développe non pas grâce au talent de l'auteur, mais malgré le talent de l'auteur. On dirait que c'est à son insu, à notre insu, que nous nous laissons envoûter par lui. On dirait que la partie est perdue par l'écrivain mais gagnée, inexplicablement, par son livre. Or, le mérite suprême de Pouchkine est bien d'avoir renoncé à briller au détriment de son oeuvre. Encore une fois, en ne livrant au lecteur que l'essentiel de sa pensée, il a fait preuve d'une magnifique maîtrise. Sa prose si nue, si aisée, demeure un modèle du genre. Les phrases courtes, dépouillées d’épithètes, sont ramassées autour d'un verbe rigoureux. Le récit se hâte de verbe en verbe, sec, précis, haletant. Pas le moindre embonpoint oratoire. Rien que des nerfs et du muscle. 

      


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :