• Lewis Carroll

    Si, par une chaude après midi d'été, vous voyez passer près de vous, l'air pressé, un lapin blanc aux yeux roses, qui regarde l'heure à sa montre de gousset et se lamente : " Oh ! mon Dieu ! Oh mon Dieu ! je vais être en retard ", n’hésitez pas à le suivre car, pou sûr, il vous entraînera dans un monde merveilleux : celui qu'un jeune professeur de mathématiques créa, en 1862, pour le plus grand enchantement d'une fillette prénommée Alice. 

    Lewis Carroll a trente trois ans quand il se décide à publier en 1865, les Aventures d'Alice au pays des merveilles. Il est plaisant de noter que ce chef-d'oeuvre, qui a connu depuis, des tirages millionnaires et a été traduit dans toutes les langues, fut publié à compte d'auteur par la maison MacMillan - scrupuleux, Carroll craignait de faire perdre de l'argent à son éditeur !

    Fils d'un pasteur anglais, Lewis Carroll est le troisième d'une famille de onze enfants qui, comme lui, sont tous bègues et gauchers. D'aucuns verront dans cette gaucherie et cette difficulté à s'exprimer une probable origine à sa manie de l'inversion et à la prolifération des mots à double signification : les fameux " mots valises ".

    Les onze premières années de sa vie se passent dans un climat familial affectueux. très jeune, il invente à l'usage de ses nombreux frères et sœurs toutes sortes de jeux, crée et illustre de petites revues manuscrites et se plait à apprivoiser les animaux même les plus insolites, tels serpents et crapauds...

    Ce goût annonce déjà le bestiaire qui peuplera son oeuvre (Lapin blanc, Lièvre de Mars, Chat de Cheshire, Chenille au narguilé, et bien d'autres encore).

    C'est à la Christ Church de l'université d'Oxford, où il s'inscrit en 1850 et accomplira toute sa carrière d'étudiant et de professeur, que Lewis Carroll va faire la connaissance d'Alice. Fille du doyen de cette digne institution, le docteur Liddell, elle a à peine quatre ans quand il la rencontre. Elle sera la première, et la préférée, des innombrables " amies-enfants" qu'il fréquentera par le suite et qui rempliront, selon sa propre formule, les " trois quart de sa vie ", le dernier quart disponible étant occupé, outre ses cours, par la pratique de la photographie. Remarquable portraitiste, il photographie ainsi quelques-uns de ses contemporains les plus célèbres, mais, surtout, il fait d'admirable portraits de ses amies les petites filles. Il abandonnera brusquement cette activité en 1880.

    En 1872, parait toujours chez MacMillan, De l'autre côté du miroir, aventures magiques d'une petite fille qui a réussi à passer la ligne de démarcation que le miroir trace entre les mondes extérieur et intérieur. 
    Comme Alice au Pays des MerveillesDe l'autre côté du miroir est un récit onirique où tout est admis, mais, ici, les pérégrinations d'Alice obéissent à la plus stricte des logiques, celle d'une partie d'échecs. Ce mélange audacieux d'absurde et de rigeur, d'imagination délirante et de bon sens, typique du monde de l'enfance, fait toute la force et l'originalité de Lewis Carroll. Comme pour Alice, le succès est immédiat : les deux volumes présentent en outre une merveilleuse unité sur le plan de l'illustration et l'on a du mal à soupçonner, derrière cette parfaite cohésion du texte et de l'image, le profond désaccord qui opposa Carroll à son illustrateur. C'est pourtant à John Tenniel que revient le mérite d'avoir donné, à jamais, visages et formes aux créatures du poète.

    Le 29 mars 1876 parait un long poème loufoque, parcouru d'une désopilante fantaisie : La Chasse au Snark. Ce " délire en huit épisodes ou crises ", engendre la plus grande perplexité et, partant les plus surprenantes interprétations.
    Qu'est-ce donc que ce Snark que pourchassent L'Homme à la Cloche et son équipage composé d'un Garçon d'étage, d'un Marchand de bonnets et capelines, d'un Avocat, d'un Courtier en valeurs, d'un Marqueur de billard, d'un Banquier, d'un Castor, d'un Boucher et d'un soi-disant Boulanger ?

    Celui qui comprendra les folles strophes décrivant, avec forces détails, 
    les " cinq indubitables caractéristiques " qui permettent de reconnaître " 
    " les véritables Snarks garantis authentiques " aura quelques chance d'en capturer un spécimen...

    Le 14 novembre 1898, au terme d'une vie simple et monotone, Lewis Carroll meurt d'une congestion pulmonaire. L'austère et timide professeur de mathématiques nous a laissé ses rêves fous, ramenés d'outre-miroir, et l'enchantement de sa fantaisie persiste. Comme l'énigmatique sourire du Chat de Cheshire.


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  • Il vivait dans un petit cottage, à l'ombre des collèges de la très gothique université d'Oxford. Conservateur convaincu, il accordait une attention distraite aux événements de son temps et négligeait soigneusement la lecture des journaux.
    Le monde contemporain avait pour lui infiniment moins d’intérêt que celui des anciennes littératures saxonnes, germaniques et celtiques qu'il enseignait à Oxford.
    Ces mythologies devaient lui inspirer une oeuvre sans précédent.

    Tous les jeudis soir, dans le courant des années trente, John Ronald Reuel Tolkien retrouvait, en effet, ses amis jeunes érudits et vieux lettrés d'Oxford, pour fumer paisiblement la pipe, évoquer les fabuleuses péripéties des Niebelungen ou la geste immémoriale de Cù Chulainn, le héros mythique de l'Irlande, et lire à haute voix les premiers chapitres de Bilbo le Hobbit ou du Seigneur des anneaux, ces contes qui feraient bientôt de lui l'un des écrivains les plus fameux de la seconde moitié du XXè siècle.

    Traduite partout dans le monde, portée à l'écran par le dessinateur américain Ralph Bakshi, l'oeuvre de Tolkien ressuscite tout un univers enfoui dans le patrimoine légendaire des peuples européens : des magiciens, des elfes, des chevaliers aux armes étincelantes, des fées, des trolls et toutes sortes de créatures folkloriques, dont les plus célèbres demeurent ces délicieux petits " hobbits " auxquels leur créateur s'identifiait volontiers, et qui incarnaient à ses yeux une vieille Angleterre à jamais disparue. C'est que dans ces récits, qui empruntent à la fois aux sagas scandinaves, aux romans de la Table ronde et aux sombres crépuscules de la mythologie germanique, perce la nostalgie de ces campagnes verdoyantes où il faisait si bon raconter des histoires au coin du feu. 

    Né un 3 janvier 1892, J.R.R. Tolkien n'était encore qu'un enfant lorsqu'à Birmingham, où un vieux prêtre l'avait recueilli après la mort de sa mère, il dévorait déjà les anciens poèmes saxons, en particulier le Beowulf, et manifestait de surprenantes aptitudes à l'étude philologique. La langue galloise, qu'il avait découverte au hasard d'une excursion, l'avait ainsi immédiatement fasciné par la beauté et sa complexité poétiques. Et comme il l'écrivait un jour dans un très remarquable essai sur le conte de fées, " la marmite de soupe, le chaudron du conte, a toujours bouilli et on y a constamment ajouté de nouveaux éléments friands ou non ".

    Les " éléments " que Tolkien a jetés personnellement dans le chaudron du conte sont en l’occurrence tout particulièrement 
    " friands "  et la lecture de Bilbo le Hobbit, du Seigneur des anneaux ou du Simarillion, ses trois principaux ouvrages, est assurément des plus délectables, car elle noue entraîne à la découverte de royaumes dont la géographie semble obéir à la seule fantaisie du conteur. Mais ces royaumes ne sont peut-être pas aussi " fantastiques " qu'il peut y paraître de prime abord. De judicieux exégètes de l'oeuvre de Tolkien n'ont pas manqué d'observer de tenaces ressemblances entre la Terre-du-Milieu, théâtre des titanesques affrontements du Seigneur des anneaux, et la région de Hallstatt, en Autriche, qui fut le foyer d'origine de la civilisation celtique, au premier âge de fer. Et la forêt qui s'étend au nord-ouest de la Terre-du-Milieu, la Lothlorien, n'évoque-t-elle pas irrésistiblement ces gigantesques forêts danubiennes qui, au nord-ouest de Hallstatt précisément, furent sans doute le point de départ des premières grandes migrations indo-européennes ?

    Ces perspectives vertigineuses, qui nous plongent en des âges où les hommes avaient des pouvoirs que l'on ne reconnait généralement qu'aux dieux, où les arbres parlaient aux bêtes et où les entrailles de la terre étaient peuplées de maléfices et de monstres hideux, hantaient toujours Tolkien le 2 septembre 1973. Ce jours-là, en effet, le merveilleux conteur anglais emportait dans la mort mille et mille histoires, qu'une existence pourtant bien remplie ne lui avait pas laissé le temps de nous raconter.


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  • Jean Ray

    Jean Ray affirmait avoir été dompteur dans sa jeunesse. On le mit donc au défi de prouver ses dires. Un cirque se trouvait dans les environs. A la stupéfaction générale, il entra dans la cage aux lions, seul, les mains dans les poches. Il avait 76 ans... Diable d'homme !

     Bien sur, suggéra alors un de ses amis, il se peut que Jean Ray, à force de raconter qu'il avait été dompteur, ait fini par le croire. Et que les lions l'aient également cru.

    Mystérieux Jean Ray, personnage insaisissable, auréolé d'une légende où il est difficile de discerner le vrai du faux, le vécu de l'imaginé, le rêve de la réalité. Avec lui " on ne sait jamais " comme il le répétait souvent, un sourire malicieux aux lèvres et le regard pétillant.

    Raymond-Jean-Marie De Krener naît à Gand, le 8 juillet 1887. Son père est marin Sa mère est institutrice. Et sa grand-mère est une indienne Dakota - c'est du moins, ce qu'affirme la légende...
    A quinze ans, l'aventure commence pour lui, dans un tumulte qui semble sortir de l'un de ses contes. Il est tour à tour matelot, calculateur à l'observatoire de Juvisy, responsable d'une revue culturelle, second dans la marine marchande. Il aurait même navigué pendant plus de trente ans. Une vie d'aventures et de dangers.

    Jean Ray - Petite bio

     Pendant tout ce temps, il aura pu parfaire sa légende et peaufiner son énigmatique passé. On saura qu'il aime entendre parler de son visage gothique, de ses yeux cruels, de sa bouche d'inquisiteur ou de son cœur de pierre : qu'il est toujours ravi de choquer et de scandaliser les bonnes gens. Il se veut doté d'étrange pouvoirs. Il se croit le dernier écumeur des mers, le dernier pirate des temps modernes... Il raconte que pendant sa jeunesse, il a assisté à une exécution capitale à Canton, et qu'il avait avant demandé de remplacer le bourreau ! Ce qu'on lui avait refuser. 

    Pourtant très tôt, Jean Ray manifeste une vive passion pour la littérature. Dickens a toutr sa prédilection. Malgré toutes ses aventures, et peut-être grâce à elles, il s'est mis à écrire. Son oeuvre est immense. 

    En 1925 il publie les Contes du whisky, des histoires noires et diaboliques où son univers original pointe déjà. 
    En 1932, la Croisière des ombres confirme ce talent : dans deux des nouvelles de ce recueil ( La Ruelle ténébreuse et le Psautier de Mayence ), il franchit les lisières du réel et nous fait découvrir la quatrième dimension de notre monde, avec un inoubliable cortège de terreurs et d'abominations.

    Son génie visionnaire s'affirme. Il fera de lui l'un des plus grands auteurs fantastiques de ce temps. On a pu le comparer à Lovecraft, cet autre grand génie du siècle, tout aussi singulier et secret.

    Jean Ray - Petite bio

    En 1942, le Grand Nocturne nous introduit dans le monde parallèle des 
    " anges déchus ", pour lesquels l'homme n'est qu'un pion dérisoire.
    En 1943 et 1944, Jean Ray est à l'apogée de son talent : Malpertuis - la Cité de l’indicible peur - Les Cercles de l'épouvante et les Derniers Contes de Canterbury en témoignent.

    Avec le Livre des fantômes qui parait en 1947, Jean Ray s'oriente délibérément vers les histoires d'horreur et d'angoisse. Il appartiendra aux Editions Marabout de publier la quasi-totalité de son oeuvre.
    Dès le début des années soixante, cette maison fait paraître :
    Vingt-Cinq Histoires noires et fantastiques - Saint Judas de la nuit - 
    Le Carrousel des maléfices et les Contes noirs du golf.

    Jean Ray est incontestablement le maître de l' " école belge de l'étrange ".
    Son fantastique fit des émules. Sous le pseudonyme de John Flanders, il écrit également des romans d’aventures pour la jeunesse.

    Jean Ray - Petite bio

    Ce génie fantastique se retrouve également dans la série des aventures de Harry Dickson, le " roi des détectives ", dont les adversaires sont souvent dotés de pouvoirs surnaturels. Au début Jean Ray se contentait de traduire ces aventures, sans intérêt,  imaginées par un Allemand resté inconnu. Puis il exigea de les écrire seul et directement, avec une unique contrainte : s'inspirer des couvertures des fascicules originaux, généralement assez réussies. Il les rédigeait souvent en une seule nuit, avec, pour stimuler son imagination et susciter des brumes du mystère, l'aide de quelques flacons de genièvre.

    C'est ainsi que nous pouvons nus délecter de ces étranges serials, où les fusées stratosphériques côtoient les ''guirits " venus de Sibérie, les dieux-démons assyriens et la Gorgone. Avec, de temps en temps, des passages vraiment onirique, à la limite de l'écriture automatique chère aux surréalistes. 

    Jean Ray - Petite bio

    Roi de la peur, du mystère, de l'épouvante et du fantastique, Jean Ray est un écrivain aux multiples facettes. Son univers unique est loin d'avoir livré tous ses secrets. Ne prétend-il pas avoir expérimenté personnellement la quatrième dimension ?
    A l'âge de 17 ans, il entre dans une pâtisserie aux gâteaux appétissants. Personnes. Il finit par emplir un sac de petits fours et ressort tranquillement, en se promettant de revenir. Deux semaines plus tard, il reviens et cherche en vain cette étonnante boutique. Sans rien trouver. Les commerçants les plus proches sont formels : il n'y a jamais eu de pâtisserie dans la rue... Aventure réelle ou caprice d’imagination ?
    Avec Jean Ray, " on ne sait jamais " !

    CITATIONS

    Les hommes ne sont pas nés du caprice ou de la volonté des dieux, au contraire, les dieux doivent leur existence à la croyance des hommes? Que cette foi s'éteigne et les dieux meurent.

    On ne s’effraie d’une chose que lorsque notre intelligence a décidé qu’elle est effrayante.

    La crainte superstitieuse que les vivants ont des morts, est héréditaire et incurable. Il ne faut pas en être plus honteux que du fait d’avoir hérité, par exemple, l’inaptitude aux mathématiques ou la tendance à mentir.

    Pourquoi les morts m'auraient ils fait peur ? Les vivants m'avaient tant fait souffrir. Les morts pouvaient-ils être plus méchants ?

     


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