•   Un avion s'écrase sur un pic neigeux et voilà que Marcellin entreprend le projet fou de l'escalader pour piller l'épave. Un grave accident de montagne a conduit Isaïe, son frère, a abandonner son métier de guide. Depuis, les deux jeunes hommes mènent une existence austère dans un hameau, loin des plaisirs de la ville. Mais la cargaison et les bagages des passagers deviennent une promesse de richesses... La montagne, de nouveau porteuse de mort, exacerbera les sentiments des deux frères et les leur dévoilera. 

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    Dans ce roman initiatique, Henri Troyat nous invite au pied d'une montagne imaginaire pour nus faire partager le destin de trois personnages. Isaïe, ancien guide de haute montagne qui mène une vie simle et rudimentaire depuis un terrible accident ; son frère Marcellin avec qui il partage la maison, héritage familial ; et la montagne, loin d'un simple décor, à la fois fantôme du passé et catalyseur des relations entre les deux hommes.

    Un court roman où se confrontent deux frères, deux personnalités, deux façons de penser, deux mentalités. Isaïe est certes simple d'esprit mais il a pour lui la bonté, l'honnêteté, la dignité, le courage, la droiture. A l'opposé, Marcellin est pleutre, vénal, fainéant et malfaisant. Après l'avoir élevé, aimé, conseillé et parfois recadré, Isaïe est sous l'emprise de son frère depuis qu'il est diminué. Si son amour pour lui le rend aveugle à ses défauts, cela ne dure qu'un temps et quand il va trop loin, Isaïe se rebiffe. La confrontation entre ces deux frères a pour décor la montagne qui les entoure et parfois les étouffe. Isaïe a vécu par elle, pour elle, en a tiré ses revenus, sa fierté, sa réputation. Les accidents successifs, la mort de plusieurs de clients, sa chute l'en ont éloigné mais quand il réussit à vaincre sa peur, il redevient lui-même. Sur les pentes verglacées, dans le froid, la neige et le vent, l'homme qu'il était retrouve son instinct, ses gestes et la force de résister à un frère qu'il ne reconnaît plus comme sien.

    Le drame raconté par Henri Troyat est dur, la confrontation tragique entre les deux frère suscite beaucoup d'émotion.
    Une histoire à (re)découvrir.


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  • Du haut de sa chaire, ce n'est pas l'habituel théologien mais la Folie qui déclame dans le meilleur latin. Il est peu d'hommes, dit-elle, qui lui échappent. Ni les poètes, ni les artistes qui poursuivent leurs chimères, ni les philosophes, ni les théologiens. La folie règne partout ; n'est-ce pas justement être fou que le nier ? Les hommes se trahissent dans leurs contradictions ; ils rêvent d'ordre et de tout rendre intelligible, et leurs discours se mordent grotesquement la queue, pour retomber sur leurs pieds. Si bien que les défenseur de la foi et des plus grandes idées, anciens ou modernes, trahissent tôt ou tard leur cause sous prétexte de cohérence ou d'absolu. La Folie ne dispute pas au hommes ces comportements propres à leur espèce, seulement peut-être les excès auxquels ils se livrent, mais elle retrouve aussi au milieu de cette agitation ce qu'ils oublient et qu'ils pourraient partager, une foi profonde et salvatrice.

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    Si l'Eloge de la folie se présente comme une "déclamation", qui était l'apanage des rhéteurs et des théologiens, son ton, qui ne s'accommode pas, est résolument satirique. La réflexion par l'absurde échappe à l'exercice intellectuel, bien que profonde et étayée par de nombreuses citations d'auteurs anciens (Ovide, Aristophane, Horace et Cicéron). Elle révèle dans le domaine religieux ce qui est apparence et dogmatisme, car Erasme prône en fait la pratique d'une foi toute intérieure et individuelle. Aussi ce livre, peu tendre pour le clergé et le Pape lui-même, représentait-il une contradiction pour l'ordre catholique déjà menacé par le parti de Luther avec qui Erasme fut en correspondance.   

    Sous couvert d'un éloge allégoriquement narré par la Folie même, Erasme se plait à dresser un tableau peu reluisant d'une humanité orgueilleuse et arrogante.

    Sur un ton joyeux et apparemment inoffensif, Erasme combat le dogmatisme et le fanatisme du Moyen-Age, et cela au nom d'un humanisme chrétien, attitude qui est bien dans l'esprit du siècle de la Renaissance.

    La folie et non la démence nous précise Érasme. Les personnes dites déréglées mentalement ne couvre en effet qu'une très infime partie de l'humanité. Le terme englobe donc toutes les personnes qui agissent couramment sans faire appel à leur raison. Ceux qui se laissent guider par les sens, les pulsions, les instincts.

    Cet essais écrit il y a 500 ans est d'une modernité ahurissante. Nous voyons défiler sous nos yeux tout les travers de notre société moderne. 

     les scientifiques, les politiciens, les religieux, les flics, la Justice, les médias, tous ceux qui prétendent représenter une quelconque forme d'autorité prennent une terrible fessée dans la gueule dans ce livre bénit. Un régal, un soulagement presque.

     

    L'éloge de la folie connut un vaste succès, et la personnalité éminente et profonde de l'auteur le défendait des attaques de ceux qui pouvaient s'y sentir caricaturés.

     


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    Lorsque George Orr dort, il rêve comme tout le monde. Mais lorsqu'il se réveille, il découvre que ses rêves ont changé l'univers.

     Et parce qu'il lui arrive aussi de faire des cauchemars, le monde réel se trouve ravagé par des guerres nucléaires, envahi par des extraterrestres. George Orr doit-il se débarrasser d'un aussi terrifiant pouvoir ?

    Ou bien doit-il l'utiliser dans l'intention redoutable d'améliorer le monde ?

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    George Orr rêve et influe inconsciemment sur le monde en le faisant basculer d'un sentier à un autre. 

     Afin d'éviter que ses rêves ne bouleversent le monde, George abuse de drogues et est finalement envoyé chez le docteur Haber, spécialiste du sommeil. Ce docteur est l'opposant du récit, non pas qu'il soit véritablement méchant. Au contraire. Il souhaite changer le monde, l'améliorer pour que tous les problèmes soient résolus. Mettre fin au racisme, à la guerre…quel mal peut-il y avoir à cela ? En hypnotisant George et en contrôlant étroitement ses rêves, le docteur espère rendre le monde meilleur. Mais le peut-on réellement ?

     Ce dernier se convainc de l’effectivité des rêves d’Orr et décide de les instrumentaliser au service de la création d’un monde meilleur, en suscitant par hypnose des rêves à la demande. Mais alors que le statut social de Haber s’améliore de rêve en rêve, le monde va, lui, de mal en pis : si elles répondent toujours, en un sens, aux prescriptions du psychiatre, les solutions imaginées par le rêveur sont souvent inattendues. 

    L'autre côté du rêve est l'un des classique d'Ursula Le Guin, qui obtint le prix Locus en 1972. Il s'agit en fait d'un roman assez court, des plus agréables, qui propose une variation originale sur le thème de l'apprenti sorcier. Orr est dépassé par un pouvoir qu'il ne maîtrise pas, Haber est grisé par l'utilisation qu'il peut faire du talent de son patient, en instrumentalisant son cerveau.

    Et on se demande bien comment tout cela va finir...


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  • Les villes mayas sont conquises mais ne disparaissent pas. Parfois la végétation reprend ses droits, dispute au hommes les prérogatives d'un asservissement définitif. Au loin, le volcan se couvre et se découvre, annonçant l'imminence de combats sanglants entre les forces métalliques des conquistadores et des guerriers aux plumes multicolores du Pays-Fleuri. Plus loin encore, Cuculcan, l'un des plus anciens dieux suprêmes, se laisse envoûter par l'anis sauvage. Neuf contes et légendes restituent la marqueterie d'une culture dont le métissage effectué au XVIè siècle nourrit l'identité présente du Guatemala.

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    D'aucun ont employé les termes de " réalisme magique " et de " réalisme halluciné " pour qualifier le style de Miguel Angel Asturias. Son verbe se développe harmonieusement, sans jamais rompre le fil ténu qui unit la réalité et le songe. De ce lien en suspension naît la poésie. Evoquant les croyances ancestrales, les superstitions, le panthéon des dieux mayas ou l'irruption de l'Espagne conquérante, Asturias nous confie à un festin onirique où l'histoire guatémaltèque se fait chair. 

    Un Guatemala irréductible sort des limbes de notre ignorance, nous invite à un voyage imaginaire à travers les siècles passés et les éléments indomptés.

    Quel mélange que ce mélange de nature torride, de botanique aberrante, de magie indigène, de théologie de Salamanque, où le volcan, les moines, l'Homme-Pavot, le Marchand de bijoux sans prix, les " bandes d'ivrognesses dominicales ", les " maîtres mages qui vont dans les villes enseigner la fabrication des tissus et la valeur du Zéro ", composent les plus délirants des songes.

    Un récit fantastique, voire surréaliste qui nous plonge dans un univers onirique mêlant nature et divinités.

    Légendes du Guatemala n'est cependant pas une lecture facile et s'adresse à un public averti. Le style d'Angel Asturiad peut surprendre au début mais le charme opère et c'est l'essentiel.

     


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