• Adélaïde Dufrénoy ( 1765 - 1825 )

    Le Besoin d’aimer

    Pourquoi depuis un temps, inquiète et rêveuse,
    Suis-je triste au sein des plaisirs ?
    Quand tout sourit à mes désirs,
    Pourquoi ne suis-je pas heureuse ?...

    Pourquoi ne vois-je plus venir à mon réveil
    La foule des riants mensonges ?
    Pourquoi dans les bras du sommeil
    Ne trouvé-je plus de doux songes ?

    Pourquoi, beaux-arts, pourquoi vos charmes souverains
    N’enflamment-ils plus mon délire ?
    Pourquoi mon infidèle lyre
    S’échappe-t-elle de mes mains ?

    Quel est ce poison lent qui pénètre mes veines
    Et m’abreuve de ses langueurs ?
    Quand mon âme n’a point de peine,
    Pourquoi mes yeux ont-ils des pleurs ?

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  • Daniel Boy

    Le vieil homme et le chien

    Transparent au regard des passants trop pressés,
    Un vieil homme est assis, transi et affamé,
    Sous un porche à l’abri des frimas de janvier.
    Il implore un sourire, une pièce de monnaie....

    Passe un chien dans la rue, un chien de pedigree,
    Une voiture suit, heurte le canidé.
    Aussitôt extirpés de leurs logis douillets
    Accourent de partout des bourgeois empressés.

    « Ne le laissez pas là, amenez-le chez moi
    J’ai une couverture afin qu’il n’ait pas froid ! »
    Quelques instants après, l’animal est pansé,
    Dorloté, réchauffé, maintes fois caressé.

    Au dehors dans la rue le silence est tombé
    Tout le monde est rentré, a fermé ses volets.
    Sous son porche à l’abri des frimas de janvier
    Le vieil homme soudain s’est mis à aboyer.

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  • Jean Rousselot

    ON N'EST PAS N'IMPORTE QUI

    Quand tu rencontres un arbre dans la rue,
    dis-lui bonjour sans attendre qu'il te salue. C'est
    distrait, les arbres.
    Si c'est un vieux, dis-lui « Monsieur». De toute...
    façon, appelle-le par son nom: Chêne, Bouleau,
    Sapin, Tilleul... Il y sera sensible.
    Au besoin aide-le à traverser. Les arbres, ça
    n'est pas encore habitué à toutes ces autos.
    Même chose avec les fleurs, les oiseaux, les
    poissons: appelle-les par leur nom de famille.
    On n'est pas n'importe qui ! Si tu veux être tout
    à fait gentil, dis « Madame la Rose» à l'églantine;
    on oublie un peu trop qu'elle y a droit.

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  • Lucie Delarue-Mardrus

     

    L'Odeur de mon pays...

    L'odeur de mon pays était dans une pomme.
    Je l'ai mordue avec les yeux fermés du somme,
    Pour me croire debout dans un herbage vert.
    L'herbe haute sentait le soleil et la mer,...
    L'ombre des peupliers y allongeaient des raies,
    Et j'entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
    Se mêler au retour des vagues de midi...

    Combien de fois, ainsi, l'automne rousse et verte
    Me vit-elle, au milieu du soleil et, debout,
    Manger, les yeux fermés, la pomme rebondie
    De tes prés, copieuse et forte Normandie ?...
    Ah! je ne guérirai jamais de mon pays!
    N'est-il pas la douceur des feuillages cueillis
    Dans la fraîcheur, la paix et toute l'innocence?

    Et qui donc a jamais guéri de son enfance ?...

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  • Paul Fort

    La Ronde

    Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main,
    tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.

    Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,...
    ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

    Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,
    si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.

    Paul Fort

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