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Mary Shelley - Frankenstein*
Pour mémoire, rappelons que Frankenstein n'est pas le monstre, mais le créateur du monstre. Le jeune Victor Frankenstein a une vingtaine d'année quand il quitte Genève et sa famille pour suivre des études scientifiques dans une université. Ce n'est pas un vieux savant fou mais un jeune étudiant sain d'esprit qui décide d'essayer de donner vie à une créature de forme humaine, pensant avoir découvert le secret de la mort, secret qui ne sera pas dévoilé au lecteur, car ce serait une révélation bien trop dangereuse. Notre jeune Frankenstein a en effet vêcu une existence bien malheureuse à cause de sa création…
Une fois la créature vivante, Frankenstein réalise l'horreur de son acte et s'enfuit, ne pouvant supporter la responsabilité de sa création. La créature disparaît. Mais quand des proches de Frankenstein sont tués, le savant comprend que la créature le provoque, et il recherche le monstre pour se mettre en contact avec lui. Lors d'un face à face, le monstre raconte son histoire à son créateur. Il le supplie de lui donner une compagne, et en contrepartie, le monstre arrêtera de tuer. Frankenstein hésite, puis refuse. La créature continue alors à tuer les proches du savant. Ce dernier passera donc le reste de sa vie à traquer sa créature pour la détruire, et se détruire lui-même.**********
Du point de vue du savant, sa création est un monstre horrible, à l'âme perverse, foncièrement mauvaise. Mais l'est-il vraiment ? On est certes touché par la destinée de ce savant malheureux, mais plus encore par celle du monstre, incompris, et qui, à cause de sa différence, est rejeté de tous.
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Mary Shelley n'a pas encore 19 ans lorsqu'elle écrit ce roman d'épouvante, au cours d'un séjour en Suisse en compagnie de son mari et de Lord Byron.
La lecture commune de contes fantastiques allemands les incite à un défi singulier, celui d'écrire chacun un récit de ce type.
Mais seule Mary, mène son projet à bien.
Si son Frankenstein fait appel à certains effets de terreur propres au roman gothique, il inaugure un genre nouveau de fiction qui mêle le fantastique et le scientifique.
Un récit de la révolte de la créature contre son créateur : à travers la figure du savant, dans le désir d'égaler Dieu, mais également à travers celle du monstre, dans son désir d'égaler l'homme.**********
Ainsi, Frankenstein s’est pris pour Dieu, a voulu le singer et ne peut assumer son rôle de créateur. A l’instar de Dieu il a crée un être, toutefois son œuvre semble être le produit du diable puisque sa créature est d’une laideur repoussante. Est-ce une punition divine ? Le savant considère lui-même son œuvre comme maléfique.
Mais qui est vraiment ce monstre ?
Le monstre, géant, hideux mais sensible et intelligent, tente de s'intégrer dans la communauté humaine dont il acquiert par imitation les habitudes et les rites. Cependant, son aspect grotesque et terrifiant éloigne toutes les personnes qu'il rencontre. Ulcéré par sa solitude forcée, aigri par l'abandon dont il est l'objet, il cherche à se venger de son créateur et sème la terreur dans son entourage.
Quand à son créateur, la culpabilité le rongera et le poursuivra même dans ses rêves, il sera hanté par cette vision d’horreur, ce cadavre ambulant. Ses rêves ont d’ailleurs une résonnance macabre et semblent de très mauvais augure. Enfin, le sentiment profond qu’éprouve Frankenstein à la vue de sa création est la répulsion. Ce dégoût de la créature le pousse à l’abandonner derrière lui sans se soucier même de ce qu’elle adviendra.
Frankenstein, le créateur incarnation moderne de Prométhée a tenté l’impossible, devenir Dieu. Il sera puni pour son orgueil.
Dans l’histoire, la créature devient monstrueuse parce qu’elle l’est aux yeux des autres et qu’elle est convaincue d’être une abomination. L’homme né pure et innocent. La créature à son réveil n’est pas foncièrement mauvaise, c’est le regard de Frankenstein qui la rend odieuse et cruelle, c’est son chagrin et le refus de son créateur qui amorce le drame.
Le monstre n'est pas toujours celui que l'on pense. La monstruosité qui n’est pas toujours là où on l’attend.
Un récit d'une grande poésie et une histoire qui restera longtemps gravée dans les mémoires.
A propos de ce livre, Sheridan Le Fanu dira :
« C’est un récit où s’ouvrent des portes qui auraient dû rester fermées et où le mortel et l’immortel font prématurément connaissance. »
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