• Denis Diderot - Jacques le Fataliste et son maitre*

    Pour tromper l'ennuie de leur longue chevauchée, Jacques conte ses amours à son maitre. Mai sans cesse des incidents, des rencontres ou des disgressions philosophiques du maitre viennent interrompre son récit. Le point souvent discuté par ce dernier est le fatalisme de Jacques, qui accepte avec bonhomie malheurs et bonheurs, braves et mauvaises gens, sous prétexte que tout " est écrit là-haut sur le grand rouleau " ; et si le destin est capricieux, il est rarement tragique. Et que l'histoire de ses amours soit sans cesse remise par d'autres contes devait être écrit là-haut. Aussi, lorsqu'ils arrivent à leur destination, Jacques est encore loin du dénouement de son récit, mais son maitre tue alors son ennemi, le chevalier de Saint-Ouin, présent à cet endroit par hasard. il était écrit que Jacques serait emprisonné, mais bientôt délivré par un fameux brigand, Mandrin. il retourne alors au château où il fut naguère accueilli et retrouve Denise, l'élue de son cœur, qu'il épouse. Pour l'heure, l'histoire de ses amours n'est pas achevée. 

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    Jacques le Fataliste, écrit sous l'Ancien Régime, publié en 1796, associe, come il est fréquent au XVIIIe siècle, dissertations philosophiques et aventures amoureuses. Jacques est ce que l'on pourrait appeler un libertin, non parce qu'il est débouché mais par l'extrême liberté d'esprit qu'il affiche. Si son maitre est le maitre, c'est par un coup du sort, et Jacques, une fois admise cette disposition des rôles - un maitre et un serviteur - parle en égal avec lui, comme des individus parfaitement indispensables l'un à l'autre. 

    La position de conteur, de qui l'auditeur est dépendant, donne à Jacques un sérieux avantage même si celle-ci est souvent contrariée par les interruptions du sort. Attribuer au " grand rouleau " les causes et les effets des actes humains empiète sur l'autorité et la supériorité de l'aristocrate : c'est l'atteinte à sa légitimité  même. Avec cette idée, courante à son époque, Diderot se montre souvent très drôle et illustre bien le ton badin que l'on attribue généralement au XVIIIe siècle.

    Ses écrits ne furent pas tous publiés de son vivant ; ainsi Jacques le Fataliste, composé en 1774, n'a été imprimé pour la première fois qu'en 1796. Ce chef-d'œuvre donne la mesure du génie de Diderot. Nulle lourdeur, nulle affectation, mais au contraire jaillissement, spontanéité. A chaque réplique, le rire fuse. La générosité, la jeunesse se reconnaissent à ce style. la postérité n'a pas manqué d'accorder à l'écrivain l'hommage que madame de Vandeul, sa fille, rendait à l'homme : "il est impossible de le connaitre sans l'aimer"    

     Pour illustrer le destin, dans sa "rhapsodie" de Jacques le Fataliste Diderot emploie l'image d'un grand rouleau des causes et des effets plutôt que celle, classique, d'un grand livre. c'est qu'un livre a un début et une fin et suppose quelqu'un qui l'a écrit. Ce quelqu'un qu'il a toujours refuser, sans parti pris ni hostilité systématique, simplement parce que cette hypothèse compliquait et obscurcissait encore plus, et inutilement, l'interprétation de la Nature, clef de la connaissance de l'homme. 

     

     


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