• Mary Shelley - Frankenstein

    Un savant nommé Frankenstein construit un monstre sans âme en assemblant les membres de différents corps, qu'il vole dans les cimetières. Horrifié par l'apparence répugnante de celui à qui il a donné la vie, il le laisse s'enfuir et cherche à l'oublier. Le monstre trouve refuge dans une cabane jouxtant la demeure d'un aveugle et de ses enfants. Il demeure caché et s'instruit en observant ses voisins. Mais lorsqu'il veut faire leur connaissance, il est chassé avec horreur. Las de n'inspirer à tous que haine et dégoût, il se révolte contre son créateur et tue son frère. Puis il exige de lui qu'il construise une compagne à son image. Mais Frankenstein, lui ayant obéi, détruit son ouvrage avant de lui avoir donné vie. Le monstre se venge en tuant l'ami puis la femme du savant et s'enfuit alors sur la banquise du pôle Nord. Frankenstein l'y cherche pour le supprimer...

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    Mary Wollstonecraft Godwin n'a pas encore 19 ans lorsqu'elle écrit ce roman d'épouvante, au cours d'un séjour en Suisse avec son mari, le poète Percy Busshe Shelley, et de Lord Byron. La lecture commune des contes fantastiques allemands les incite à un défi singulier, celui d'écrire chacun un récit de ce type. Mais seul Mary mène son projet à bien. Si son Frankenstein fait appel à certains effets de terreur propres au roman gothique en vogue deux décennies auparavant, il inaugure un genre nouveau de fiction qui mêle le fantastique et le scientifique. Le récit illustre à un double niveau le mythe prométhéen de la révolte de la créature contre son créateur : à travers la figure du savant, dans son désir d'égaler Dieu, mais également à travers celle du monstre, dans son désir d'égaler l'homme.

    Ainsi l'omniscient Frankenstein, disciple attentif de Paracelse et de Cornélius Agrippa, possédé par un esprit d’orgueil sacrilège, et penché sur les sanglants débris de sa table de dissection, ne faisait-il que commettre à son tour le terrible péché de la Connaissance en voulant pénétrer des domaines sacrés et concurrencer l'oeuvre divine. 

         Frankenstein, donc fut un livre à succès : il parut précisément au moment ou il était nécessaire, pour les œuvres de fiction, de produire non seulement des sensations désagréable, bien que par procuration, au creux de l'estomac, mais des réflexions cérébrales. 

      Voilà ce qui déroute dans cette créature : elle est si neuve qu'elle ne peut être rangée dans aucun catégorie d'être préalablement connue. Aussi bien, jusqu'à la fin du roman ne porte-t-elle aucun nom. Que peut-on rêver de plus angoissant ? L'Innommable n'est pas même justifiable de cette discrimination suprême : les vivants et les morts.  

     


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  • Johann Wolfgang von Goethe - Faust

    Le vieux docteur Faust a usé sa vie aux savantes recherches des secrets de la nature ; pourtant, son existence le désespère. Un ange du mal, Méphistophélès, lui achète son âme, contre quoi il lui rend le goût de vivre. Faust signe le pacte et, rajeuni, courtise Marguerite. Mais Méphisto manigance la mort de la mère et du frère de celle-ci, qui mourront de la main même de Faust. Marguerite, emprisonnée pour infanticide, refuse l'aide diabolique de Méphisto et expire sur le gibet au désespoir de son amant...

    Ailleurs et plus tard, Faust s'éveille, régénéré ; Méphisto est toujours à ses côtés. Il s'éprend de la vision d'Hélène de Troie. Transporté avec Méphisto dans la Grèce mythique, Faust, dont la quête est redevenue plus spirituelle, épouse la beauté antique sous les traits d'Hélène. De cette union naît un fils, qui se tue en reproduisant la tentative d'Icare. Faust, vieux et aveugle, s'est engagé à la construction d'une cité idéale pour laquelle il jouit enfin de pouvoirs suffisants . Il succombe à l'instant de joie que lui procure le bruit des travaux ; mais c'était Méphisto qui creusait sa tombe. Toutefois, par la perfection de son oeuvre grandiose, Faust a obtenu son salut ; Méphisto est vaincu.

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    Les divers Faust littéraires s'inspirent d'un personnage historique, nommé Georg Faustus, ayant existé entre 1480 et 1540. Après Marlowe en 1604, Goethe redonna une ampleur qui le transforme en mythe à cet adepte de la science des mages. La magie était soupçonnée d'entretenir des rapports avec les forces diaboliques, dont on se demandait si elles était partie intégrante de la matière dès la Création. L'univers médiéval suscite une vision assez romantique de ce problème comme celui du salut.   

    C'est pourquoi Goethe transporte son Faust dans la Grèce antique, où il devient l'architecte d'une cité idéale après avoir épousé Hélène dont on se souvient qu'elle est à l'origine de la destruction de Troie. Leur fils, à l'instar d'Icare, fils de l'architecte Dédale, meurt en tentant un vol trop audacieux. La cité ne verra pas le jour car c'est la fin de Faust, qui s'est aliéné les puissances diaboliques, mais celui-ci sera tout de même sauvé car " celui qui s'efforce toujours et cherche dans la peine " peut toujours être sauvé.

    "Faust" : ce simple mot, cette syllabe robuste et trapue comme le poing qu'elle désigne couramment, est un signe aussi fort, dans l'histoire culturelle des pays allemands, que lorsqu'on dit Don Quichotte en terre espagnole ou Dante en Italie... Le personnage du docteur Faust existait avant Goethe et il a connu après lui encore d'innombrables avatars... Parmi les œuvres de tous genres qu'a produites Goethe au cours de sa longue carrière, Faust est à coup sur à la fois la plus savante et la plus populaire. 

    Faust n'est qu'un rêveur et un pédant, qui n'a point compris l'essence de l'univers ; son développement est celui d'un infirme, et on ne saurait qu'applaudir lorsque que Goethe lui fait faire son apprentissage du monde. Mais il vaudrait mieux qu'il apprenne ce qu'il y a à apprendre, et ce à la première et si belle occasion, l'amour de Marguerite. Hélas, comme le poète est heureux de pouvoir le tirer des profondeurs de cet amour pour lui faire un beau matin oublier purement et simplement toute cette histoire, et pour qu'il déroule devant son pouvoir de contemplation objective, avec le maximum de plaisir, ce que l'on appelle l'univers, le monde, l'art antique, le monde pratique et industriel (Lettre à Mathilde - 1858)

     

     


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  • Sept hommes se réunissent régulièrement durant des soirées arrosées ; ce sont les "copains". Ce soir-là, Bénin est plus ivre que d'habitude. Il soutient que, sur la carte de la France, parmi tous ces départements qui s'interpénètrent, les deux points indicatifs d'Ambert et d'Issoire sont comme un regard malsain, comme un double mauvais œil. Devant la carte, les autres conviennent cet affront. Chacun y va d'un quatrain où Issoire rime avec passoire et Ambert avec camembert. Mais un week end, ils se retrouvent sur la place d'Ambert. Leur premier complot consiste à réveiller toute la caserne et faire exécuter des manœuvres la nuit durant. Au petit matin, Bénin, sous les trait d'un prêtre, prêche en chaire. Il s'en prend à la pruderie des paroissiens, aiguisant petit à petit leur lubricité jusqu'au rut ; c'est le second complot. C'est à Issoire que l'après-midi de ce jour mémorable où l'on inaugure la statue de Vercingétorix, remarquablement "vivante", celle-ci répond au discours du maire, répandant la panique dans la population. Les sept copains peuvent se féliciter de ce vent libertaire et révolutionnaire qui a soufflé grâce à eux, sur Ambert et Issoire.

    Pourquoi les copains veulent-ils se venger de ces deux sous-préfectures ? La seconde raison est, paradoxalement, que rien ne désignait celles-ci plutôt que d'autres. Mais la première raison est le besoin d'un projet commun, où ils ne formeront plus qu'un seul homme, une seule âme. Les sept hommes se rassemblent afin de provoquer des situations comiques en contrariant les règles sociales habituelles. 

    Jules Romains est revenu plus d'une fois sur cette idée : une plaisanterie féconde, jetée presque au hasard, trouvant un accueil favorable, faisant boule de neige, déterminant toute une série d'événements et aboutissant à des réalisations d'une ampleur imprévisible.   

    Jules Romains : " Fournir à l'"honnête homme" d'aujourd'hui une occasion de réfléchir joyeusement à quelques-uns des ressorts et mécanismes permanents de toute civilisation, et aux formes qu'ils ont prises en particulier dans notre monde moderne, voilà ce que je me suis proposé. Ce comique actif, qui se crée sa matière ne se déploie jamais aussi favorablement que dans un groupe de camarades. Autrement dit, dans la vie, la camaraderie est une condition presque indispensable à l'éclosion et au plein exercice de cette joie de l'esprit. La goûter solitairement ressemblerait à une délectation morose. " 

     


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  • Auguste de Villier-de L'Isle-Adam

    Les Contes cruels sont constitué de vingt-sept textes dont il est difficile de déceler l'unité par la diversité des sujets traités. De ce fait, voici trois textes significatifs. Tout d'abord l'Intersigne, dans la mesure où il constitue le conte le plus ancien rédigé par Villiers et parce qu'il s'inscrit comme l'un des chefs-d’œuvres français des contes fantastiques. De même, nous avons opté pour Vera, où le conte narre l'histoire d'amour enveloppée de mystère et de poésie et porte en lui les stigmates de la littérature du siècle, notamment par l'influence d'Edgar Poe. Quand à La Morte amoureuse, il se situe dans la tradition romantique des amours impossibles. Enfin, le conte des Demoiselles de Bienfilâtre développe sur un ton ironique et cruel le détournement de la morale bourgeoise. De façon plus générale, dans Contes cruels, Villiers de L'Isle-Adam dénonce la société moderne et, sous le couvert d'un comique noir, dévoile le vice et les perversions mentales de ses contemporain. 

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    Les Demoiselles de Bienfilâtre : " Ouvrières qui vont en journée la nuit ", telle est la profession qu’exercent Olympe et et Henriette de Bienfilâtre. Mais bientôt la quotidienneté de leur existence se rompt, Olympe a commis une faute, elle aime.

      Véra : Après la mort de Véra, le comte d'Athol se retrouve seul, et son âme s'abîme dans les souvenirs de leur vie commune. Ne pouvant se détacher d'elle, et à force de volonté et d'imagination, Véra paraît. Une autre vie commence. Soudain, l'apparition s'évanouit, ayant déposé aux pieds du comte de la clef du tombeau.  

    L'Intersigne : Le baron Xavier de la V, après une soirée de spiritisme, se sent atteint d'une mélancolie profonde et décide de retrouver son ami, l'abbé Maucombe. Au cours de la première nuit, Xavier est victime d'une hallucination : on frappe à sa porte, et un homme au regard fixe lui tend un manteau. Le lendemain, il raconte au prêtre sa nuit, mais avant que celle-ci ne parvienne à son terme, il est interrompu par l'arrivée d'une lettre l'obligeant à partir. Sur le chemin du retour, la pluie, de plus en plus forte, oblige les deux hommes à se séparer. A ce moment, là, l'abbé tend son manteau à Xavier. 

    Dépassant les apparences, il fait du conte une sorcellerie évocatoire et pratique l'art du symbole. Il a voulu suggérer des rapports intimes entre les choses, des correspondances entre la nature humaine et sa demeure, son vêtement, ses meubles et objets familiers, indique ses liens avec la nature, le monde animal et le monde spirituel. Non content de saisir les comportements extérieurs des hommes de son époque, il a tâché de pénétrer leurs arrière-pensée ; il les a confrontées avec les grandes lois de la vie, de la mort et de l'au-delà. Il a constamment rappelé que la Terre est habitée par des passants égarés entre l'abîme de leur origine et celle de leur avenir inconnu.   

     


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  • L'ambassade d'Afrique du Sud à Paris regroupe une importante équipe de diplomates. Stephen Keyter y occupe la fonction de troisième secrétaire ; le service des visas lui est confié. Keyter rencontre Nicole Alfort à cette occasion : la jeune fille - particulièrement séduisante et sans)gêne - vient renouveler son passeport. Stephen en tombe vite amoureux, Nicole se laisse faire la cour. Ils se revoient plusieurs fois mais se disputent finalement. Keyter décide alors d'oublier Nicole. Il la revoie cependant dans les couloirs de l'ambassade. il s'en étonne mais découvre rapidement qu'elle vient y retrouver l'ambassadeur en personne.

    Par jalousie et par ambition à la fois, Keyter adresse un rapport confidentiel au gouvernement central de Pretoria. Les griefs du troisième secrétaire sont explosifs : l'ambassadeur Paul Van Heerden, âgé de 58 ans et parvenu aujourd'hui au sommet de sa carrière, entretient une liaison amoureuse avec une fille de mauvais genre ; son comportement nuit gravement aux membres de la délégation ainsi qu'à leur tâche. Keyter envoie son rapport au plus mauvais moment : l'Afrique du Sud négocie des contrats d'armement avec la France et ne peut se permettre aucun scandale. Une enquête est ouverte aussitôt. 

    Dans les années 60, les rapports diplomatiques entre l'Afrique et le reste du monde sont compliqués par l'apartheid et par les tensions qui opposent la minorité blanche au pouvoir à la population noire de ce pays. Le massacre de Sharpeville révèle ces tensions politiques à l'ensemble de la communauté internationale. Très troublé par la situation, André Brink écrit L'Ambassadeur à la même époque. Le scandale de l'apartheid marque profondément son livre : ses personnages se retrouvent plongés dans ce même contexte. C'est l'occasion pour l'auteur d'exorciser sa colère vis-à-vis de son gouvernement, mais aussi son sentiment de culpabilité. 

       

     

     


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