• Alice entre à nouveau dans un monde fantastique, cette fois en grimpant à travers un miroir dans le monde qu'elle peut voir au-delà. Là, elle constate que, tout comme une réflexion, tout est inversé, y compris la logique (par exemple, courir vous aide à rester stationnaire, s'éloigner de quelque chose vous amène vers lui, les échecs sont vivants, les personnages de comptines existent, etc).

    Le roman commence avec Alice assise à l'intérieur, un après-midi d'hivers, recroquevillée dans un fauteuil avec son chaton pour compagnie. Alors que la neige tombe à l'extérieur, Alice demande à son chaton d'imiter l'une des pièce d'échec devant eux. Lorsque le chaton ne se conforme pas, Alice le tient devant le miroir et le menace de l'expulser ver "l'autre côté".

    A sa grande surprise, Alice se retrouve maintenant transportée dans un monde à miroir qui est disposé comme un échiquier géant, mais avec des diverse autres caractéristiques, telles que les jardins de fleurs présents. Elle trouve un poème qu'elle ne peut pas lire, parce que ses mots sont à l'envers. Beaucoup de scènes dans le roman suivent en fait les règles du jeu d'échecs (par exemple, les reines ont tendance à se déplacer beaucoup tandis que leurs maris, les rois, restent en grande partie là où sont tout au long du roman), et les personnages, y compris la reine rouge et la reine blanche, sont des pièces d'échecs qui prennent vie.

    Carroll place tout son livre dans le contexte d'un rêve. Le rêve de qui il s'agit reste incertain, mais Alice reconnait définitivement qu'elle vivait des aventures dans le rêve de quelqu'un, sinon le sien. Ce qui est si important à ce sujet est le fait que l'absence de la réalité n'a pas d'importance pour le protagoniste, et cela n'a manifestement pas d'importance pour le protagoniste, et cela n'a manifestement pas d'importance pour l'auteur. En fait, Carroll semble croire que rêver est idéal, surtout pour les jeunes enfants, comme le suggère le poème à la toute fin du livre. Il va jusqu'à suggérer qu'il n'y a peut-être pas de réalité fixe du tout, et que la vie n'est que des rêves.          

    Si l'on retrouve Alice dans cette suite, Alice de l'autre côté du miroir est une œuvre finalement assez différente, plus complexe par certains aspects et déroutante de prime abord. Certes, on retrouve ce nonsense typiquement anglais, qui côtoie une logique poussée à l'extrême, avec la présence de nombreux jeux de mots souvent intraduisibles en français mais dans lesquels Henri Parisot, qui offrit la meilleure traduction, su trouver de brillants équivalents afin de retranscrire le charme et l'étrangeté surréaliste des livres.     


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  • A Séville, le comte Almaviva, Grand d'Espagne, est épris d'une jeune orpheline, Rosine, qu'il cherche à rencontrer. Il lui chante des aubades, essaie de lui transmettre des billets doux. Mais un vieux médecin, Bartholo, son tuteur, la séquestre chez lui et la surveille avec vigilance.

    Le comte retrouve alors son ancien valet, Figaro, devenu barbier. Celui-ci lui révèle que le vieil homme se prépare à épouser Rosine. Tandis que le tuteur jaloux, va vérifier auprès de Bazilz, maitre à chanter, les derniers préparatifs du mariage du comte, sous l'identité d'un étudiant nommé Lindor, avoue son amour à Rosine. 

    Figaro, après avoir administré diverses drogues aux domestiques, va, quant à lui, révéler l'identité de Lindor à Rosine. C'est aussi sous le déguisement d'un bachelier venu remplacer Bazile, Alonzo, que le comte va se rendre chez Rosine. Pour mieux gagner la confiance du tuteur, il lui présente un billet écrit par Rosine à l'intention du comte. Bartholo comprend trop tard qu'il a été abusé par Figaro et Alonzo, qu'il chasse ; dan la nuit, le comte et Figaro viennent enlever Rosine. Bazile, quant à lui, amène le notaire, qui vient signer le contrat de mariage entre Almaviva et Rosine

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      Le Barbier de Séville garde une verve, une gaieté, un rythme plein d'entrain, alors que l'intrigue est simple. Beaumarchais, pour soutenir le comique, sollicite la connivence du spectateur, évite un dénouement précoce et use de toute une série de rebondissement, de coups de théâtre ; le hasard guide alors la trame de l'action.

    La réalité des personnages tient dans leur désir d'échapper au rôle de convention qui leur est assigné. Ainsi Bartholo n'est pas seulement le barbon soupçonneux et manœuvré, mais aussi un homme de sagacité et d'intelligence quand il est question d'intrigue ou d'argent. Rosine n'est pas seulement la douce ingénue, mais elle révèle aussi une énergie et une révolte intérieure face à Bartholo. Et même Figaro outrepasse ses droits de valet de comédie, se faisant l'interprète direct de l'auteur.

    On retrouve dans Le Barbier de Séville une intrigue qui n'est pas sans faire penser à celle de L'Ecole des femmes de Molière. Mais l'intérêt de la pièce tient ici d'avantage à l'utilisation du langage. Le jeu du langage se justifie avant tout par le plaisir qu'il suscite chez le spectateur. Beaumarchais conduit son intrigue grâce au brio des dialogues qui confère à la pièce son éternelle jeunesse. Beaumarchais a constamment retravaillé le texte de sa pièce pour l'améliorer de sorte que nous possédons aujourd'hui quatre versions du Barbier de Séville. Leur étude montre que le dramaturge tend à la perfection de l'expression. C'est à ce titre que la pièce, faite aussi de précision dans les mécanismes dramatiques pour enchainer les situations, annonce une dramaturgie moderne.          

     


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  • Un soir, à minuit, le poète entend frapper à la porte de sa chambre. Lorsqu'il se lève, inquiet, pour ouvrir, il ne trouve personne. Il évoque le fantôme de sa bien-aimée, Léonore, morte il y a peu, quand, de nouveau, des coups résonnent à sa fenêtre. Il se précipite pour ouvrir et un corbeau, surgi de la nuit, vient se percher sur un buste au-dessus de sa porte. A demi-rassuré, le poète lui demande son nom ; à sa stupéfaction, l'oiseau répond "Jamais plus". Cherchant à apaiser sa mélancolie, il demande alors à l'oiseau quel espoir il a de retrouver Léonor dans l'au-delà. Mais à chaque question, la réponse tombe comme un couperet : "Jamais plus". Désespéré, le poète s'emporte contre cet "être de malheur", mais en vain : telle une idole démoniaque l'oiseau demeure immobile et silencieux sur son perchoir. 

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    Le Corbeau fascine par l'atmosphère de mystère et d'angoisse croissante que Poe réussit à créer, par le rythme lancinant et répétitif de ses vers, par le refrain poignant et sans espoir qui vient, comme un glas, scander les dernière strophes : "Nervermore" (Jamais plus). Poe lui-même a mystifié les lecteurs en rédigeant une Méthode de composition dans laquelle il analyse son poème en prétendant "qu'aucun point de sa composition ne peut être attribué au hasard ou à l'intuition, et que l'ouvrage a marché, pas à pas, vers sa solution ave la précision et la rigoureuse logique d'un problème mathématique"

    Toutefois, comme Baudelaire et Mallarmé l'on vu, il convient de ne pas prendre l'auteur au mot : ce qui donne au poème sa force, c'est justement l'émotion qui s'en dégage, bien que Poe affirme la rejeter.     

    Poème singulier entre tous. Il roule sur un mot mystérieux et profond, terrible comme l'infini, que des milliers de bouches crispées ont répété depuis le commencement des âges, et que par une triviale habitude de désespoir plus d'un rêveur a écrit sur le coin de sa table pour essayer sa plume : Jamais plus ! De cette idée, l'immensité, fécondée par la destruction, est remplie de haut en bas, et l'humanité, non abrutie, accepte volontiers l'Enfer, pour échapper au désespoir irrémédiable contenu dans cette parole.  

    La puissance véritablement dramatique du Corbeau ne réside pas dans le regret de l'amour à jamais perdu, mais dans le désespoir sans bornes de l'amour toujours cherché et jamais atteint ; le "Jamais plus" que répète inlassablement l'oiseau, aussi bien que le passé et le présent , traduit l'avenir sans autre issue que la mort de celui qui ne touchera jamais l'image de ses rêves, et qui, bientôt, lui-même, ne sera "Jamais plus".  

     

     

     


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  • Argante, père d'Octave, veut casser son mariage avec une certaine Hyacinthe, fille pauvre et sans nom. Géronte, père de Léandre, refuse quant à lui le projet de mariage de son fils avec Zerbinette, qui est depuis sa tendre enfance aux mains d'Egyptiens et dont il faut racheter la liberté. Ces amours contrariées incitent les deux fils à demander l'aide de Scapin. Déployant toute son habilité, celui-ci va tenter de renverser la situation en leur faveur et gagner sur les deux tableaux. Valet de Léandre, il bénéficie de l'aide de Silvestre, qui est au service d'Octave.

    Par la ruse et la menace, ils parviennent à soutirer aux deux pères l'argent nécessaire pour la libération de Zerinette, en faisant notamment croire à Géronte que son fils est détenu sur une galère turque, d'où l'inoubliable réplique de l'acte II : " Que diable allait-il faire dans cette galère ? " Puis Scapin, en son "honneur" blessé, se venge de Géronte au cours de la célèbre scène où il l'enferme dans un sac et le roue de coups. De "fourberies" en rouerie, la farce suis son cours jusqu'au coup de théâtre final : Argante et Géronte s'avèrent être les pères de Zerbinette et de Hyacinthe. Scapin fait semblant d'agoniser por échapper à la vengeance des vieillards, qui pleins d'émotions, lui pardonnent. 

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    Les Fourberies de Scapin est l'une des dernière pièce de Molière, qui revient ainsi au genre de la farce qu'il avait pratiqué au début de sa carrière. C'est une œuvre admirable de maturité et de maitrise, dans laquelle Molière intègre son expérience des comédies de caractères au rythme échevelé et aux coups de théâtre propre à la commedia dell'arte. Scapin est ainsi le digne héritier du "zanni" italien. Argante et Géronte, quant à eux, sont de vrais "caractères" et leur opposition au mariage de leurs fils sert de prétexte à Molière pour déployer toute sa science comique. 

    La farce moliéresque est une heureuse combinaison de convention et d'observation. L'observation se glisse dans les situations et les caractères. L'unité est assurée par Scapin, le meneur de jeu. Conventionnel, assurément Scapin l'est. D'autre valet et d'autres fourbes ont enrichi le personnage, mais aussi la fantaisie du poète. L'esquisse est cette fois extraordinairement précise. Le goût de l'aventure, l'ardeur dans l'intrigue, le courage, la souplesse surtout et l'infinie diversité attestent la présence de multiples traditions, et pourtant le valet est lui-même, Scapin, type vivant et inoubliable. La farce ici touche au grand art. 

     


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  • On a beau l'appeler la "ville de la chance", New York ne porte pas toujours bonheurs à ceux qui y débarquent, en quête de fortune. Les immigrés qui fuient un passé douloureux n'y trouvent parfois qu'une autre misère. Celle-ci côtoie en effet la prospérité. Les belles carrières se font, mais aussi s'écroulent. Les étudiants noient l'absence d'espoir ou d'idéal dans l'alcool. C'est u  tableau plutôt sombre que Dos Passos nous offre d'une ville qui, au début du siècle, faisait rêver tant d'étrangers. 

    Bud, le jeune paysan, qui a sur la conscience le meurtre d'un père trop violent, ne trouvera à Manhattan que des raisons de se jeter dans un quai dans l'eau noire. Joe Harland, l'ex-roi de Wall Street, est devenu un clochard. Le bel étudiant Stan se tue à force de boire. Quand à la belle Ellen, la star à qui tout semble sourire, elle aussi est victime de son amour pour Stan et n'a d'autres choix que de se vendre à un homme riche. 

    Haine de la bourgeoisie new-yorkaise envers les nouveaux arrivant, juifs ou irlandais , course effrénée à l'argent ; chez Dos Passos, la description de la ville des gratte-ciel offre le prétexte à une âpre critique sociale. Les faibles sont broyés, les puissants malheureux. 

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     Pour ce portrait d'une ville, l'écrivain emprunte aux cinéastes leur techniques en structurant son livre par séquence, comme un film. C'était totalement nouveau en 1925, lorsque la livre a été écrit. Comme un cinéaste encore, Dos Passos, insiste sur l'élément lumière ainsi que sur les images symboles, comme celui du cul-de-jatte entrain de regarder un dirigeable  : " Le petit cul-de-jatte s'arrête net , arcbouté sur ses deux bras, au  milieu du trottoir, dans la 14e Rue. Parmi les jambes qui marche, les jambes maigres, dandinantes, jambes dans les jupes, des pantalons ou des culottes, il reste là, complètement immobile, arc-bouté sur ses deux bras, les yeux levés vers le dirigeable. " 

    L'œuvre de Dos Passos, né à Chicago, d'une famille d'immigrants portugais, marque un tournant dans la littérature américaine. " Contemporain de Fitzgerald et de Hemingway, note le critique et historien Jacques Cabau, il apprit à écrire dans le Montparnasse des années folles. Mais sa réputation de "romancier social" le rattache plutôt à la crise économique des années trente qu'à "l'âge du jazz" des années vingt. Au désenchantement de la "Génération perdue" succède un roman engagé, et au lyrisme désespéré des héros solitaires de Hemingway et de Fitzgerald une épopée de l'aliénation sociale, où les destins individuels se confondent dans une catastrophe collective "  


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