• Le Corbeau - Edgar Allan Poe*

    Un soir, à minuit, le poète entend frapper à la porte de sa chambre. Lorsqu'il se lève, inquiet, pour ouvrir, il ne trouve personne. Il évoque le fantôme de sa bien-aimée, Léonore, morte il y a peu, quand, de nouveau, des coups résonnent à sa fenêtre. Il se précipite pour ouvrir et un corbeau, surgi de la nuit, vient se percher sur un buste au-dessus de sa porte. A demi-rassuré, le poète lui demande son nom ; à sa stupéfaction, l'oiseau répond "Jamais plus". Cherchant à apaiser sa mélancolie, il demande alors à l'oiseau quel espoir il a de retrouver Léonor dans l'au-delà. Mais à chaque question, la réponse tombe comme un couperet : "Jamais plus". Désespéré, le poète s'emporte contre cet "être de malheur", mais en vain : telle une idole démoniaque l'oiseau demeure immobile et silencieux sur son perchoir. 

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    Le Corbeau fascine par l'atmosphère de mystère et d'angoisse croissante que Poe réussit à créer, par le rythme lancinant et répétitif de ses vers, par le refrain poignant et sans espoir qui vient, comme un glas, scander les dernière strophes : "Nervermore" (Jamais plus). Poe lui-même a mystifié les lecteurs en rédigeant une Méthode de composition dans laquelle il analyse son poème en prétendant "qu'aucun point de sa composition ne peut être attribué au hasard ou à l'intuition, et que l'ouvrage a marché, pas à pas, vers sa solution ave la précision et la rigoureuse logique d'un problème mathématique"

    Toutefois, comme Baudelaire et Mallarmé l'on vu, il convient de ne pas prendre l'auteur au mot : ce qui donne au poème sa force, c'est justement l'émotion qui s'en dégage, bien que Poe affirme la rejeter.     

    Poème singulier entre tous. Il roule sur un mot mystérieux et profond, terrible comme l'infini, que des milliers de bouches crispées ont répété depuis le commencement des âges, et que par une triviale habitude de désespoir plus d'un rêveur a écrit sur le coin de sa table pour essayer sa plume : Jamais plus ! De cette idée, l'immensité, fécondée par la destruction, est remplie de haut en bas, et l'humanité, non abrutie, accepte volontiers l'Enfer, pour échapper au désespoir irrémédiable contenu dans cette parole.  

    La puissance véritablement dramatique du Corbeau ne réside pas dans le regret de l'amour à jamais perdu, mais dans le désespoir sans bornes de l'amour toujours cherché et jamais atteint ; le "Jamais plus" que répète inlassablement l'oiseau, aussi bien que le passé et le présent , traduit l'avenir sans autre issue que la mort de celui qui ne touchera jamais l'image de ses rêves, et qui, bientôt, lui-même, ne sera "Jamais plus".  

     

     

     


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