• Le décor semble tout à fait rassurant : un manoir anglais entouré d'un parc. C'est là que débarque une jeune gouvernante anglaise, tout juste sortie d'un presbytère où elle a reçu la plus sévère des éducations. Le propriétaire des lieux, un homme particulièrement séduisant, vit à Londres et a chargé la jeune fille de s'occuper de deux orphelins, l’aîné Miles et sa cadette Flora, dont il est le tuteur. Les deux enfants sont d'une beauté et d'une gentillesse exquises, et la nouvelle venue ne comprend pas pourquoi Miles a été envoyé de son collège. Elle n'arrive pas à savoir non plus de quoi est morte la gouvernante qui l'a précédée auprès des orphelins. Parmi les domestiques, seule Mrs Grose, une brave femme toute simple chargée de l'intendance, lui inspire confiance et devient sa confidente. 

      Quelques détails inquiétants viennent vite gâcher l'apparente quiétude de cette demeure et de son parc. La jeune gouvernante a d'étranges apparitions : elle voit surgir, par instants, un couple de domestiques qu'elle n'a pas connus, réputés pour leur dépravation, et décédé quelques temps auparavant. La gouvernante est convaincue que ces revenants sont là pour prendre possession des deux enfants et les corrompre. Elle pense que ses deux petits protégés sont déjà sous l'influence et tente désespérément de les arracher à leur envoûtement...

    **********

     Toute l'histoire est racontée à la première personne par la jeune gouvernante. Le lecteur se laisse ainsi prendre à un récit qui est peut-être le fruit de l'imagination maladive d'une jeune exaltée. L'énigme est bien là, mais l'auteur se garde de nous en donner la clé. Il semble au contraire prendre plaisir à nous dérouter, en multipliant les situations ambiguës, les jeux de miroir, les silences. N'est certaine que l'angoisse qui rôde dans ce manoir et nous conduit peu à peu à la tragédie finale.

     Le champ des possibles est vaste, et toutes les fenêtres sont ouvertes...Le fantastique peut être pris au premier degré, mais c'est un peu frustrant, d'autant plus que de nombreuses ellipses titillent épouvantablement l'imagination débordante du lecteur...

    Plus qu'une nouvelle et moins qu'un roman, Le Tour d'écrou est paru pour la première fois en 1898 en feuilleton. C'est l'un des ouvrages d'Henry James les plus connus et qui a inspiré le plus grand nombre de version pour la scène et le cinéma.  

     

     


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  • Pierre Gripari

    Si, par un beau après midi, l'envie vous prend d'aller manger un couscous dans l'un de ces minuscule et très simple bistrots qui font le charme et la renommée de la rue de la Folie-Méricourt, en plein cœur de ce vieux Paris paisible et populeux qui vit au rythme de l'apéritif et des informations télévisées, vous rencontrerez peut-être un drôle de bonhomme au poil tout ras et aux yeux pétillants de malice. Vous le reconnaîtrez immédiatement à sa voracité peu commune, à son accoutrement bizarre, et, si vous engagez la conversation avec lui, vous serez immédiatement conquis. Car cet homme est sans doute l'un des plus merveilleux conteurs de France et de Navarre. Il a en effet toutes les légendes du monde dans sa tête : les françaises bien sûr, mais aussi les chinoises, les russes, les babyloniennes, les scandinaves, les africaine, les japonaises, les grecques, les irlandaises, les juives, les américaines et même les martienne, oui les martiennes !

    Monsieur Pierre, comme l'appellent avec un affectueux respect les petites gens de la rue de la Folie-Méricourt, pourrait bien être d'ailleurs lui-même une sorte d'extra-terrestre qui se serait caché sous l'identité de Pierre Gripari, l'auteur de quelques romans et de plusieurs dizaines de nouvelles qui comptent assurément parmi les plus authentiques et les plus savoureux chefs-d'oeuvre de la littérature fantastique contemporaine. De son oeil de farfadet interplanétaire, il regarde le monde par le petit bout de la lorgnette, il démasque les sorcières, les fantômes et les méchants petits farceurs qui, en plein Paris, s'amusent incognito à faire tourner la Terre à l'envers et à remplir la vie de maléfices.

    Pierre Gripari

    Après avoir lu les Contes de la rue Broca ou l'Arrière-monde, ces deux livres qui ont fait sa célébrité et qui vous enlèveront toute envie de vous endormir si, à minuit sonné, vous avez la bonne idée de vous y plonger, vous prendrez très au sérieux l'avertissement placé en dos de couverture de Diable, Dieu et autres contes de menterie ( des histoires à ne pas lire sans avoir préalablement consulté son horoscope ) : 

    " Si une chienne, le soir, vient gratter à ta porte, n'ouvre pas. Si une peau d'ours t'appelle par ton prénom, ne répond pas. Si ton mari te fait cadeau d'un diable apprivoisé, ne t'y attache pas. Méfie toi particulièrement des vieilles couturières, des poinçonneuses de métro, des réverbères qui s'allument à la tombée de la nuit. Et surtout, et surtout, si tu n'as pas envie de trouver Dieu, eh bien, ne le cherche pas. ! "

    Pierre Gripari

    Héritier de Gogol, Kipling, Kafka, Mérimée, Chrétien de Troye, et de tous les maîtres de la littérature fantastique, Pierre Gripari fait montre d'un scepticisme à toute épreuve. On lui présenterai le bon Dieu en personne qu'il lui dirait dans un rire diabolique : " Je ne crois pas en vous, mais venez donc chez moi, je vous raconterai des histoires... " Et, pourtant, l'auteur de L’Évangile du rien, n'a vraiment strictement rien d'un écrivain rationaliste. Ses compagnons préférés ont pour nom Dracula, Perceval ou Jésus-Christ, il sait tout des aventures et mésaventures du père Noel, et ses facétieuses et délicieuses Rêveries d'un martien en exil prouvent qu'il a des fréquentation toujours très surprenantes : c'est avec une aisance et une jubilation incomparable que Pierre Gripari voyage dans ses univers parallèles. Et lorsqu'il s'avisent à remonter le temps, alors les souvenirs que vous ont laissés les cours d'histoire s'évanouissent aussitôt.

    En effet, selon notre impayable conteur, les instituteurs et les professeurs d'histoire n'enseignent que des mensonges. Les choses ne se sont pas du tout passées comme ils le prétendent, et si vous voulez savoir tout ce que l'on ne vous a jamais dit sur la vie très étrange et très mystérieuse de Joseph Staline ou Adolf Hitler, par exemple, précipitez-vous immédiatement dans la lecture de La Vie, la mort et la résurrection de Socrate-Marie Gripotard ou des Vies parallèles de Roman Branchu. Vous en apprendrez de bien belle !

    Pierre Gripari

    A une imagination fantastique véritablement époustouflante , Pierre Gripari joint une érudition sans égale. Il n'y a pas plus de deux ou trois livres dans sa chambre, mais il a tout lu, et quand l'idée lui vient de raconter à sa façon quelque bonne vieille légende du temps passé, cela donne des résultats plutôt inattendus. Vous en trouverez un délectable exemple avec le Conte de Paris, l'un de ses tout premier livre. de quoi s'agit-il ? Écoutons Pierre Gripari nous le dire lui-même :

    " Nous sommes en présence d'un roman arthurien, pourvu de tous les ingrédients traditionnels qui ont fait le succès du genre : grand coup d'épée, quêtes lointaines, objets magiques, rencontres mystérieuses, intervention de personnages venus de l'Antiquité, nains et fées, géants et sorcières. Nous avons le plaisir de retrouver le roi Arthur, la reine Geneviève, le sénéchal Keu, Gauvain, Lancelot et leurs compagnons, mais aussi Pâris Alexandre, fils de Priam, l’astucieux Ulysse, le Hollandais volant, sans oublier Sadko, le cithariste de Novgorod ! Ajoutons, pour finir, que ce récit se fait remarquer par sa haute portée spirituelle, puisque nous y voyons les compagnons de la Tables Ronde traverser toute l'Europe, par la voie des airs, pour aller délivrer Rome de l'imposture monothéiste et rétablir l'enseignement de la Bonne doctrine qui est comme chacun sait, l’Épicurisme... "

    Pierre Gripari

    Lire Pierre Gripari est très certainement l'une des occupations les plus enrichissantes qui se puissent concevoir aujourd'hui. En effet, non seulement ses livres vous arracheront très avantageusement à la monotonie quotidienne, mais encore ils vous feront goûter aux délices d'une langue vivifiée par un humour étincelant, ainsi que par une pensée philosophique dont la profondeur vous impressionnera, même si elle revêt une forme volontiers loufoque et paradoxale.  

     

     


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    La littérature fantastique nous a habitué à des rapports étranges entre les auteurs et leurs œuvres. Howard ne fait pas exception à la règle, puisque sa vie fut passionnée entre toute.

    Robert Erwin Howard nait le 22 janvier a Peaster. Il passera toute sa vie à Cross Plains, petite ville texan non loin d'Abilène. Il n'en sortira guère, à part quelques voyages en Louisiane et dans l'Oklahoma. Howard, dont le père est médecin, descend des premiers pionniers de cette région. Il fait ses études à Cross Plains et complète son éducation au collège. Enfant chétif, il réagit à cet état de fait, pratique intensivement la culture physique, la boxe et l'équitation. par la seule force de sa volonté, Howard devient un autre homme : l'enfant malingre se transforme en un colosse  de pès de 2 m qui ne pèse pas loin de 100 kg.

    Sur une photo, le feutre baissé sur les yeux, Howard ressemble même à Al Capone. Il est plus grand que nature, comme ses personnages. Lecteur vorace, il dévore tous les livres qui lui tombent sous la main ; très tôt passionné d'histoire, il commence à écrire dès l'âge de quinze ans. Son premier récit est publié en 1925 dans la célèbre revue Weird tales. il n’arrêtera plus d'écrire jusqu'à sa mort. Howard, souffrant certainement de névrose, sujet à de très fortes sautes d'humeur. Instable, se suicide le 11 juin 1936, à la nouvelle de la mort imminente de sa mère. 

    Trente ans de vie, quinze ans de création littéraire à jet continu. En une oeuvre immense, il aborde tous les genres, sport, policier, western, aventures orientales, histoires fantastiques et heroic fantasy, sans oublier la poésie ! Ses écrits parurent dans divers magazines et revues de l'époque, mais ne furent rassemblés en un volume qu'après sa mort. Howard, écrivain professionnel, gagne à la fin de sa vie autant que l'habitant le plus riche de Cross Plains, le banquier ! Une réussite qui le différencie de Lovecraft qui n'a jamais pu subvenir normalement à ses besoins ! Les deux hommes, qui se connaissaient, correspondaient et étaient très amis, avaient énormément de points communs mais aussi des différences, tant dans leurs vies que dans leurs œuvres.

    Howard a créé une véritable galerie de personnages inoubliables : Conan le CimmérienKull le roi barbareSolomon Kane, personnage étonnant de puritain élisabéthain, fanatique, bras vengeur de Dieu, justicier poussé par le destin ! Bran Mak Morn, Turlogh O'Brien et bien d'autres encore inconnus en France. La liste est immense. 

    Fureur d'écrire, fureur de vivre. les écrits de Howard reflètent parfaitement ce bouillonnement intérieur, cette ardeur, cette impatience, ce jaillissement continuel d'une création pleine de tumulte, de bruit et de fureur ! Howard s'est illustré tout particulièrement dans le fantastique et l'heroic fantasy. Son personnage le plus connu est Conan le Barbare, dont il écrivit les aventures pratiquement dans un état second, comme si quelqu'un les lui dictait, lui-même n'intervenant que pour une part mineure. 

    Les aventures de Conan se déroulent au cours de l'âge hyborien, en des temps très anciens, soit 8 000 ans après l'engloutissement de l'Atlantide par les eaux. Ce Barbare intrépide, qui sera successivement brigand, voleur, assassin, mercenaire, soldat et capitaine, deviendra enfin roi et fera alors l'apprentissage difficile du pouvoir.

    Innombrables et mouvementées sont les aventures qui l'opposent autant à des adversaires naturels qu'à des sorciers et des sortilèges de toutes sortes. Conan, le personnage préféré de Howard - aventurier solitaire et errant, rejeté par les siens et marqué par le destin - est néanmoins en accord avec le monde physique et ses lois implacables. Il s'adapte, réagit et survit, face aux civilisations décadentes. Il est sauvé par son énergie vitale, exprimée par ses muscles... par son instinct souvent proche de l'animal.

     Conan et les autres héros de Howard affrontent le surnaturel , le fantastique, comme d'autres périls, à grand coups d'épées. La saga de Conan est l'un des meilleurs exemple de l'heroic fantasy, mélange d'histoire, de fantastique et de roman de cape et d'épées, l'une de ses plus grandes réussites.

    Howard a composé une véritable symphonie du rouge et du noir (le sang et les ténèbres abritant le surnaturel), tout imprégnée de violence et de mort. Les cauchemars surgissent de l'ombre et du passé, car Howard est le prince de la nuit et de la terreur.

    Ses nouvelles fantastiques sont imprégnées d'horreur et d'effroi, de la magie noire, de vengeance, de violence et de sang ! Ses héros sont des hommes, mais les femmes ne sont pas absentes de son œuvres. Conan est un paillard aimant le vin et les jolies filles. Certains personnages féminins, malgré leur présence discrète, demeurent inoubliables. 
    L'érotisme est toujours là, bien que sous-jacent (en raison des tabous de l'époque). Le désir sensuel rejoint l'amour tout court, d'un romantisme extrême, qui unit à jamais deux êtres... dans cette vie et dans toutes celles qu'ils ont vécues et vivront ensemble. Le thème de la réincarnation est souvent présent dans l'oeuvre de Howard.

    Les personnages de Howard ne connaissent pas la peur face au surnaturel, même s'ils sont fascinés par le fantastique, les ténèbres et les terreurs que recèle le monde. Ils se battent et survivent, au contraire des personnages de Lovecraft, écrasés par leurs rêves et leurs cauchemars. On parle beaucoup de mort et de destin dans les histoires de Howard ; pourtant, il s'en dégage un certain optimisme, un espoir. La quête est longue, éternelle en fait... Au bout de leurs épées, ou de leur recherche, ils trouveront leur vérité. Une quête aventureuse, emportée dans un tourbillon de faits, d'affrontements, dans un flots d'actions qui ne laissent pas un seul instant en repos. Howard a foi en l'homme et en ses possibilité... le monde est à portée de notre main.

    L'oeuvre de Howard est unique dans le domaine du fantastique et de l'heroic fantasy. Conteur remarquable, cet auteur est, par bien des points très proche de Lovecraft, de sa perception des ténèbres et du fantastique. Un destin et une oeuvre exceptionnels. 

     


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