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    Les histoires de Mowgli furent longtemps interprétées comme une apologie de l'Empire britannique. Sous les traits de Mowgli se dessine l'homme civilisé, faisant bénéficier les indigènes de sa supériorité, et ne quittant la jungle qu'après avoir contribué à y établir un ordre politique satisfaisant. Ainsi Mowgli débarrasse-t-il le chef des loups, Akela, de la terreur et du désordre que fait régner le tigre usurpateur, Shere Khan. 

    Mais le retentissement du Livre de la jungle a depuis longtemps dépassé le cadre d'une situation socio-historique aujourd'hui fort lointaine. Les aventures de Mowgli touchent au mythe dans le sens où elles font écho à des questionnements. L'oeuvre de Kipling interroge d'abord le rapport problématique entre nature et civilisation.

    Kipling utilise classiquement l'anthropomorphisation des animaux pour tendre un miroir à la société et faire apparaître sa part d'ombre et de sauvagerie. Les rapport de pouvoir sont féroces, comme en témoigne la menace d'Akela par les jeunes loups. La violence est omniprésente. La panthère Baghera achète ainsi la vie de Mowgli par le sacrifice d'un taureau, sacrifice sur lequel se fonde l'interdiction de manger du bétail. C'est ici qu’apparaît la face lumineuse de la jungle : loin d'être le seul domaine de la sauvagerie ou de l'anarchie, elle est régie par des lois immuables, parfois plus noble que celle de la civilisation. 

    La loi de la jungle apprend aussi à Mowgli à "ne pas se fâcher" et à supporter les moqueries de ses congénères sans chercher à se battre. C'est pourquoi le peuple singes, qui n'ont ni loi, ni patrie, ni langage, est parfaitement méprisé des autres animaux. Ni sauvages ni civilisés, ces "ancêtres" de l'homme posent plus que tout autre la question de notre identité profonde. 

    La théorie darwinienne de l'évolution élaborée 50 plus tôt avant cette oeuvre, génère des interrogation dont le Livre de la jungle fait l'écho. Kipling s’intéresse à la prétendue distinction entre l'homme et l'animal. Dans la jungle, le nom des espèces ne leur confère pas nécessairement les privilège d'une identité fixe. Baghera elle-même est "rusée comme le chacal Tabaqui, hardie comme un buffle et téméraire comme un éléphant blessé ". Mais c'est surtout Mowgli, comparé à une "grenouille" agile comme un singe, qui passe son temps à chercher à quelle espèce il appartient. Walt Disney jouera sur ce thème à travers la paternité de l'ours Baloo.

    Pourtant le clan des loups, qui a élevé le petit d'homme, finit par le rejeter. En effet, Mowgli "soutient le regard" des animaux, et ce ragard est un signe de on altérité, de son appartenance à l'espèce de ceux qui se comportent comme les maîtres de la nature. Miroir de l'âme, mais aussi révélateur d'une profondeur et d'une duplicité tout humaine, le regard de Mowgli le renvoi inéluctablement à sa véritable patrie. 

    La jungle possède les couleurs du paradis perdu. Mowgli y grandit, nu,  nourri aux mamelles de la mère louve comme Romulus et Rémus, jouissant de la chaleur et de ce rapport fusionnel avec la nature. Ses activités de chasse et de cueillette ne sont pas harassantes, et la confrontation avec le danger est indissociable à la vie de cet espace sauvage.

    Cependant de façon significative, les problèmes de Mowgli surgissent alors qu'il aborde les rivages de l’adolescence. La jungle devient alors un terrain d'apprentissage de la liberté, d'intériorisation de la loi, sous le regard bienveillant de deux mentors, Baloo et Baghera. Errant entre l'enfance et l'âge adulte, le Mowgli de Kipling fait des allées et venues entre la jungle et le village, démontrant qu'il n'a pas encore trouvé sa véritable place. 

    C'est ainsi que le Livre de la jungle forme un roman d'éducation particulièrement touchant dans la mesure où il exprime la difficulté de devenir un homme, tout simplement. 

     

     

     


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  • Albert Jons Morrison est un neurophysicien américain rejeté par ses collègues qui n'acceptent pas ses théories et le prennent pour un fou. Mais les russes le considèrent comme l'homme de la situation pour les aider à mener à bien un projet menacé d'être supprimé par le gouvernement soviétique en l'absence de résultats immédiats. Or Chapirov, le neurophysicien russe à l'origine de cette recherche, se trouve dans le coma.

    Devant le refus de A. J. Morrison de coopérer avec eux, les russes l'enlèvent et l'emmènent en URSS. Leur but : demander à celui-ci d'aller récupérer les pensées de Chapirov à l'intérieur du cerveau de celui-ci. A contrecœur Morrison sera membre d'une équipe d'expédition russe qui sera miniaturisée avec un sous marin, puis introduite dans les cellules nerveuses en question...

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    Isaac Asimov n'aimait pas trop le "Voyage fantastique" qu'il avait écrit sur commande sur base du script du film. En 1987, il a donc décidé de faire son propre voyage dans le corps humain : Destination cerveau

    Le film "Le Voyage fantastique" remporta l'Oscar des Meilleurs effets spéciaux visuels et celui des Meilleurs décors. Il fut également nominé pour la Meilleure photo, Meilleurs effets spéciaux sonores et meilleur montage. Il fut aussi nominé au pris Hugo de science-fiction. Mais parlons du livre...

    D'emblée, Destination cerveau se distingue par sa taille : là où l’original faisait environ 250 pages, le remake en fait 500. Il est plus fouillé, plus exacte scientifiquement et les personnages sont plus travaillé. La progression est lente du à un bavardage propre à Asimov. Ce roman peut être qualifier de hard-science, mais le grand talent d'Asimov est de rendre particulièrement digeste tout ses écrits et "Destination cerveau" ne fait pas exception à la règle. La majeure partie des descriptions et explications données par Asimov servent parfaitement le récit du voyage, passant au crible, toutes les interrogations et incohérences qui pourraient amener la technologie de la miniaturisation.

    L'idée est géniale, le texte a été créé en 1986, et est quasi visionnaire : la justesse dans la description des neurone, de la liaison synaptique, la reconnaissance électromagnétique des structures moléculaires... pensons que tout cela se passe à chaque seconde en chacune de nos cellules et qui nous permet d'être en vie.  

     


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    Les enfants rois du récit de Bernard Lenteric sont les sept enfants les plus intelligents du monde, rien que ça. Ils ont réussi avec brio les épreuves conduites par Jimbo Farrar dans le plus grand secret depuis plusieurs années, et seul celui-ci peut concevoir l’importance de ses résultats. Jimbo Farrar, lui-même désigné comme un homme d’une très grande intelligence, se prendra de pitié pour ces sept petits génies qu’il sait inévitablement condamnés à la solitude parce qu’ils ne peuvent supporter les esprits limités de ceux qui les entourent. C’est pourquoi, toutes les années, il fera une brève apparition dans leur vie pour leur rappeler qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils seront bientôt réunis pour former l’entité la plus intelligente de ce monde. Ceci se produira avec l’ouverture d’une école qui, au terme du programme, regroupera quelques centaines d’enfants parmi ceux ayant obtenus les meilleurs scores aux épreuves.

    Le viol et le passage à tabac de l'un d'entre eux va mettre le feu aux poudres. A partir de ce moment-là, la belle mécanique imaginée par Jimbo Farrar se détraque et les sept petits génies, une fois regroupés, deviennent aussi hargneux et crétins qu'une bande de hyènes décidées à tout décimer sur leur passage, à la différence près que leur meilleure arme sera leur intelligence hors du commun.

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    Ce livre nous plonge dans l'univers extraordinaire des surdoués. Bien que l'on sache que les sept ne sont pas fréquentables, ils restent néanmoins attachants. L'histoire est captivante avec beaucoup de suspense et l'humour n'y est pas absent.

    La nuit des enfants rois est aussi un roman sur l'adolescence et ses conséquences sur le passage à l'âge adulte. Ils sont au cœur d'une violence générée par leur changement caractérisé par le passage de l'adolescence. Cette période sera marquée par une haine destructrice qui va les mener jusqu'au meurtre. Ce passage, considéré généralement comme difficile, est ici amplifié jusqu'à être complètement destructeur. Ce traumatisme généré par une nuit de violet d passage à tabac déclenche ce processus de destruction. Mais bien qu'ils tuent froidement, ils restent humains. Cela peut paraître paradoxale mais c'est ainsi.

    La narration nous permet de suivre l'évolution de ces enfants, comprendre ce qui fait qu'ils deviennent ce qu'ils deviennent. Nous suivons dans des chapitres court mais prenant, leurs plans ainsi que leurs raisonnements malins et intelligents. Une constatation s'impose : ils sont intelligents, cruels, et impitoyablement logique dans leurs raisonnement. 

    Un message effrayant, une enquête terrifiante, un grand suspense et un bon moment de lecture. 


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  • Michael Kane, un physicien américain, invente un transmetteur de matière. Mais l'appareil se dérègle... Il est projeté sur la planète Mars où héros et barbares s'affrontent en des combats terribles ! L'épée de Kane trace un chemin sanglant ! Géants bleus, monstres voraces, princes pervers des cités décadentes, rien ni personne ne peut l'arrêter car il est à la recherche de sa bien-aimée, la princesse de Varnal, la belle Shizala !

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    En introduction de ce cycle, Moorcock explique qu'il a appris le métier en se mettant dans les pas de Burroughs, le créateur de Tarzan et du "Guerrier de Mars", dont il est redevable pour la simplicité et l'efficacité de sa technique d'écriture.

    Les deux premiers romans du cycle "La Cité de la bête" et "Le Seigneur des araignées" racontent plus ou moins la même histoire ; il sauve la princesse à mainte reprise dans La Cité de la bête et, de retour sur Terre, il construit un nouveau transmetteur et traverse le temps et l'espace afin de rejoindre Shizala sur la planète Mars. Dans "Les Maîtres de la fosse", dernier volet de la trilogie, et le plus originale et le meilleur des trois, nous le retrouvons marié et devenu prince de Varnal. Il doit chercher un remède à une épidémie qui décime son peuple d'adoption.

    Au fil du cycle, les obstacles et les dangers vont crescendo. Géants bleus, monstres aux pieds velus, princes vicieux de cités pourries par la luxure, animaux trangéniques, guerriers fous, conquérants démoniaques, tous les ingrédients de l'héroic fantasy sont bel et bien présent.

    De l'aveu de l'auteur, il ne faut pas chercher autre chose dans ces trois romans que l'évasion, le délassement. Il est vrai que tout concourt  une lecture facile et rapide.      

     


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  • Histoire comique des États et Empires de la Lune - Extrait

     

    " A l'ouverture de la boite, je trouvais dedans un je ne sais quoi de métal quasi tout semblable à nos horloges, plein d'un nombre infini de petits ressorts et de machines imperceptibles. C'est un livre à la vérité, mais c'est un livre miraculeux qui n'a ni feuillets ni caractères ; enfin c'est un livre où, pour apprendre, les yeux sont inutile ; on a besoin que d'oreilles. Quand quelqu'un donc souhaite lire, il bande, avec une grande quantité de toutes sortes de clefs, cette machine, puis il tourne l'aiguille sur le chapitre qu'il désire écouter, et au même temps il sort de cette noix comme de la bouche d'un homme, ou d'un instrument de musique, tous les sons distincts et différents qui servent, entre les grands lunaires, à l'expression du langage. "

    « Lorsque j’eus réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des livres, je ne m’étonnai plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient davantage de connaissance à seize et à dix-huit ans que les barbes grises du nôtre ; car, sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture ; dans la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, à pied, à cheval, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à l’arçon de leurs selles, une trentaine de ces livres dont ils n’ont qu’à bander un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s’ils sont en humeur d’écouter tout un livre : ainsi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes et morts et vivants qui vous entretiennent de vive voix. »


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