• Chef de compagnie aéropostale, Rivière est un homme inflexible. Ignorant l’intérêt individuel des pilotes, son seul but est de prouver que l'avion est un moyen plus rapide que le train pour acheminer le courrier. Pour cela, il faut imposer les vols de nuits, même s'ils sont réputés extrêmement dangereux. Qu'importe ! Rivière n'hésite pas à engager la vie de ses hommes ; il faut passer coûte que coûte, par tous les temps, ne renoncer qu'au dernier moment et seulement si m'accident est inéluctable ; c'est le seul moyen de distancer le chemin de fer. Rivière réussit ainsi son entreprise, mais à quel prix ! Nombreux sont les accidents. Parmi les victimes, Fabien, un pilote ramenant le courrier de Patagonie vers Buenos Aires qui, pris dans une tempête, sombrera pour avoir tenté l'exploit. Tel est le devoir des pilotes de Rivière qui se doivent de rester fidèle à leur mission, ignorant la peur, vivant pour le courrier. Le lendemain, Rivière, malgré la mort d'un équipage, n'annulera aucun vol.

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    Saint-Exupéry, écrivain et pilote, directeur de l'aéropostale d'Argentine en 1929, relate ici sa propre expérience. A travers ce court roman, l'auteur pose le problème du chef et des valeurs au nom desquelles il peut disposer des hommes. Saint-Ex.pery oppose deux types d'hommes, le chef et le sujet. Le chef impose ses volontés et le sujet obéit, exécutant sans sourciller les directives de ce dernier, acceptant au nom du métier qu'il a choisi les risques les plus périlleux. L'homme selon Saint-Exupéry, tire sa grandeur du dépassement de soi dans l'action ainsi que de la soumission à son devoir. L'éthique de Saint-Exupéry repose sur une conception héroïque de l'homme et de l'action. Seul dans son appareil, l'auteur a sans cesse emmagasiné des réflexions. L'avion est plus qu'un simple moyen de locomotion ou de travail. Il est l'occasion pour les hommes de connaitre et d'accepter leurs limites, de montrer leur vertu, là où leur puissance ne va plus de soi et où l'absence de sécurité et des commodités de la civilisation l'oblige au silence et au respect.

       Dans une préface André Gide écrira : 

    " Je crois que ce qui me plait surtout dans ce récit frémissant, c'est sa noblesse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances de l'homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n'est que trop habile à les dénoncer ; mais ce surpassement de soi qu'obtient la volonté tendue, c'est là ce que nous avons surtout besoin qu'on nous montre.

    " Plus étonnant encore que la figure de l'aviateur m’apparaît celle de Rivière, son chef. Celui-ci n'agit pas pour lui-même : il fait agir, insuffle à ses pilotes sa vertu, exige d'eux le maximum et les contraint à la prouesse. Son implacable décision ne tolère pas la faiblesse et, par lui, la moindre défaillance est punie. Sa sévérité peut, au premier abord, paraître inhumaine, excessive. Mais c'es aux imperfections qu'elle s'applique, non point à l'homme même que Rivière prétend forger. On sent, à travers cette peinture, toute l'admiration de l'auteur. 

    " Je lui sais gré particulièrement d'éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d'une importance psychologique considérable  que le bonheur de l'homme n'est pas dans la liberté mais dans l'acceptation d'un devoir. Chacun des personnages de ce livre est ardemment, totalement dévoué à ce qu'il doit faire, à cette tâche périlleuse dans le seul accomplissement de laquelle il trouvera le repos du bonheur. "  

     

     

     


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  • Erich Maria Remarque - A l'ouest rien de nouveau

    Paru en 1929, le premier roman de l'auteur allemand Remarque rencontre immédiatement un succès foudroyant. Ce récit d'un traumatisme, alors très vivace dans les consciences, touche d'abord par sa simplicité : le narrateur est un homme du peuple, un simple soldat, enrôlé avec ses camarades de classes, et bien avant l'âge, par un professeur fanatique. Faisant, avec ses deux ans de front, figure d'ancien, il vit la claustrophobie des tranchées, l'horreur des corps mutilés, la boucherie des jeunes recrues inexpérimentées, la morbidité des hôpitaux surchargés, la déroute annoncée de son pays. Mais ces passages d'une violence quasi insoutenable alternent avec des moments privilégiés, banquets clandestins ou nuits d'amour avec de jeunes Françaises obtenues pour quelques morceaux de pain. Cependant, les compagnons meurent un à un, jusqu'au plus cher. Mais " à l'ouest, il n'y avait rien de nouveau ".

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    Cette narration à la première personne offre l'avantage d'un point de vue limité : celui d'un jeune homme qui ne se bat pas pour une idéologie ou une patrie, qui n'a pas d'ennemi particulier, qui ne cherche qu'à sauver sa peau et qui souffre d'avoir tué un homme qui aurait pu être lui. Cette voix presque innocente incite une identification à la fois personnelle et collective de la part des lecteurs.

    L'individualité n'a plus de cours au front, elle se dissout dans une égale déshumanisation, car seuls des "hommes-bêtes" peuvent ne pas y devenir fous. Cette apparente naïveté de la narration permet,par ce qu'elle tait, de dénoncer le système qui sous-entend la guerre, un système autodestructeur dont les créateurs et les buts n'apparaissent jamais.    

    Ce roman que Erich Maria Remarque a porté en lui pendant des années, il le rédige en quatre semaines. Un premier éditeur refuse le manuscrit, un second l'accepte, sans grand enthousiasme. Cependant 1 200 000 exemplaires allaient être vendu la première année en Allemagne.  

     

     

     


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    Florent Couao-Zotti nous invite dans son recueil de nouvelles, dans un univers sans concession sur les tares humaines que celles-ci soient prisent isolément ou en société. L'auteur tel un entomologiste minutieux ne pose aucune limite à sa plume acérée. Visionnaire, ses yeux innombrables fouillent avec méticulosité la ville africaine et sa folie dantesque.
    Dans les nouvelles de Couao-Zotti, voler, tuer, souffrir est le quotidien de cette humanité, un quotidien dont parlent entre eux les égouts et les fleuves, les rues et les décharges, ainsi que les poètes, mais au pays du vaudou et de la magie, des hommes se lèvent, invincibles, et le rire demeure en dépit de tout, la première des forces.

        Florent Couao-Zotti heurte son lecteur dès la première nouvelle ou il met en scène un acte de nécrophilie. Comme s'il voulait tester, trier les heureux lecteurs qui ouvrent ce recueil.

    Les différents thèmes de ces nouvelles s'appuient sur des faits divers glauques que l'on pourrait imaginer dans n'importe quel quartier populaire d'une grande ville africaine : viol, inceste, petite délinquance, folie, meurtre, infertilité, nymphomanie...

    Le tour de force de Couao-Zotti réside dans le style flamboyant de son écriture, sa dextérité à jouer avec les mots mais surtout l'émotion que véhicule chacune de ses nouvelles. Son implication dans chaque personnage révèle une très grande proximité de l'auteur avec les questions délicates qu'il aborde.

     Qu’est-ce qui pousse en pleine nuit un homme a pénétré dans un caveau pour y accomplir un dessein  érotique et funèbre ?
    Quelle folie pousse les Hommes à commettre les forfaits les plus sinistres et lugubres, à constamment côtoyer le macabre.
    Cette fièvre qui les anime est-elle due au désœuvrement auquel condamne le chômage, ou à un ras-le-bol collectif de la morale et des règles de conduite que la société impose ? Mais sont-ils réellement fous ?

    Exceptionnel ! Un recueil de nouvelles sans déchet aucun, d'une force rare. Nouvelles puissantes et parfois dérangeantes mais qui restent gravées dans la mémoire. Contes mi-fantastiques mi philosophiques et charges politiques. On s'incline et on conseille très fortement !  

     


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  • Le journal se compose d'une suite de lettres adressées à une amie imaginaire, Kitty, du 14 juin 1942 au 1er août 1944. L'écrivain et héroïne Anne Frank, est une jeune juive de treize ans. Ses parents, des commerçants allemands, se sont réfugiés en Hollande dans l'espoir d’échapper à la persécution nazie.

    Anne Frank vit son existence insouciante d'écolière coquette, filant de petits flirts, fêtant son anniversaire en compagnie de ses amis. Mais ce bonheur ne saurait durer. En juillet 1942, les Frank sont placés devant un choix vital : obéir à l'appel de la Gestapo, qui somme tous les juifs de se livrer, ou bien de s'y dérober. Ils optent courageusement pour la deuxième solution et décident de se cacher, aidés par leur amis Miep et Elli, dans l'Annexe, un pavillon d'arrière-cour d'un immeuble d'Amsterdam. Commence alors une vie de réclusion, avec tout ce que cela comporte de contraintes, en particulier le manque d'intimité.

    C'est cette cohabitation de deux familles qu'Anne Frank décrit, au jour le jour, saisissant malgré son jeune âge la complexité des relations humaines. Dans cette prison humide, la petite fille grandit, devient une jeune femme coquette, sensible aux avances du jeune Peter, lit énormément et se confie à son journal. Cependant qu'elle note l'évolution de la situation et la montée du danger, elle ne cesse de s'observer. Avec la plus grande lucidité, elle capte les nuances de son humeur : alternance de gaîté et de désespoir, confiance dans son entourage puis prise de distance, notamment avec sa mère. Mais jusqu'à la fin, et malgré les crises de conscience, elle poursuivra sa recherche de sa vérité. C'est sur cette quête que le Journal s'achève tragiquement.

    Le Journal n'est pas seulement le témoignage poignant d'une innocente confrontée à l'horreur nazie, mais aussi l’exercice quotidien d'une analyse de soi. Avec un mélange de maturité et de candeur, Anne Frank procède à la dissection des sentiments et des sensations à l'état brut. Sans jamais sombrer dans la complaisance, la jeune fille adopte au contraire un ton juste et sobre, pénétré d'un grand sens psychologique.

    Les notes quotidiennes d'Anne Frank sont si justes de ton, si vraies que l'idée ne vient même pas à l'esprit qu'elle ait pu les écrire dans une intention de "Littérature", et encore moins qu'aucune "grande personne" ait pu les retoucher. D'un bout à l'autre l'impression qu'on éprouve est celle d'une authenticité indiscutable

    Un des aspects les plus intéressants de ce témoignage tient à la place à la fois singulièrement réduite et cependant essentielle qu'y tient le sentiment religieux. Dans l'extrême péril où cette enfant se trouve, c'est bien rarement qu'elle se tourne vers le Dieu de ses pères et ce n'est jamais pour lui demander une immédiate protection. Au cours du journal, on la voit lire la Bible, mais, très certainement, sans enthousiasme extrême et avec pas mal de lenteur. De toute évidence, Anne Frank n'était pas ce qu'on entend par une âme religieuse.      

     

     


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